Film franco-belge de Dominique Abel et Fiona Gordon (2023), avec Dominique Abel, Fiona Gordon, Kaori Ito, Philippe Martz, Bruno Romy… 1h38. Sortie le 31 janvier 2024.
Fiona Gordon et Dominique Abel
Fiona Gordon et Dominique Abel font partie de ces cinéastes marginaux qui poursuivent tant bien que mal leur œuvre à l’écart des sentiers battus. Acteurs et réalisateurs, ils sont aussi chorégraphes et danseurs. Chez eux la comédie flirte avec le burlesque sinon l’absurde et le ton relève de la poésie pince-sans-rire. Film après film, ils ont fédéré autour d’eux une véritable communauté à laquelle ils essaient tant bien que mal de donner régulièrement des nouvelles de leur imaginaire foisonnant. Résultat : quatre spectacles sous l’égide de leur compagnie belge Courage mon amour et cinq longs métrages depuis L’iceberg (2005), coréalisé avec Bruno Romy comme les deux suivants, Rumba (2007) et La fée (2011). Six ans après Paris pieds nus, ils reviennent aujourd’hui avec un objet cinématographique non identifié comme ils en ont le secret. L’étoile filante est le nom d’un bar hors de l’espace et du temps où viennent s’échouer des personnages pittoresques qui semblent surgis d’une autre époque. L’occasion d’une pantomime qui doit autant aux grands burlesques du muet qu’à la tradition des clowns par son sens de l’observation aigu et une économie de la parole compensée par une exacerbation des gestes qui s’apparente parfois à l’acrobatie. Avec une prédilection pour des scénarios à tiroirs parfois difficiles à résumer. En l’occurrence ici la rencontre d’un barman au passé ténébreux avec un sosie dépressif, sous la surveillance d’une détective à la recherche de son mari. Mais cette intrigue n’est qu’un prétexte…
Fiona Gordon et Kaori Ito
L’étoile filante est une invitation au rêve qui refuse mordicus de céder au chant des sirènes de la modernité. Le film se déroule dans une sorte de monde parallèle où se côtoient des figures nostalgiques du monde d’avant qu’on jurerait échappées des pages d’un roman de Patrick Modiano ou d’un disque de Boby Lapointe. Jusqu’aux visages si expressifs de ces personnages emportés par leur destin qui affichent parfois un curieux air de famille avec ceux des bateaux ivres du Finlandais Aki Kaurismäki et des miniatures gigantesques du Suédois Roy Andersson. Un peu comme si tout ce petit monde vivait sur une autre planète réservée aux rêveurs et aux poètes. Tout semble glisser sur ces contorsionnistes qui parent les coups en se démantibulant. Et tant pis s’ils détonnent un peu dans ce monde qui ne les a pas attendus. Abel et Gordon alignent les tableaux et les scènes de genre peuplées de silhouettes pittoresques sinon burlesques dont une nouvelle venue en la personne de la danseuse contemporaine Kaori Ito, patronne de bar omnisciente qui veille sur ses protégés en usant de ses attributs de femme fatale. Plus encore que les films précédents du tandem, celui-ci pousse chaque collaborateur artistique dans ses retranchements les plus ultimes, de la musique du duo féminin Birds on a Wire formé par Rosemary Standley et Dom La Nena aux beaux décors vintage de Nicolas Girault jusqu’à la douce photo rétro de Pascale Marin. Bienvenue dans cet ailleurs !
Jean-Philippe Guerand
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