Sometimes I Think About Dying Film américain de Rachel Lambert (2023), avec Daisy Ridley, Dave Merheje, Parvesh Cheena, Marcia DeBonis, Megan Stalter, Brittany O’Grady, Bree Elrod, Ayanna Berkshire, Sean Gustavus Tarjyoto, Jeb Berrier, Vin Shambry, June Eisler… 1h33. Sortie le 10 janvier 2024.
Dave Merheje et Daisy Ridley
Miss Fran est ce qu’il est d’usage d’appeler une employée modèle. En proie à une timidité maladive, elle préfère écouter ses collègues que leur parler et se fond dans le décor fonctionnel de l’agence portuaire où ses journées s’écoulent sans fin. Sa vie est une interminable routine ponctuée des facéties de son inconscient qui s’exprime à travers des rêveries solitaires au cours desquelles elle met en scène… sa propre mort. Jusqu’au jour où une nouvelle recrue fait son apparition en la personne d’un type un peu lourdaud qui se révèle sensible à son charme et va la contraindre à accomplir un immense effort sur elle-même pour sortir de sa zone de confort et mener un semblant de vie sociale. Ce joli conte de l’invisibilité est indissociable de son interprète principale, la comédienne anglaise Daisy Ridley à qui son étiquette de Rey dans la troisième trilogie de Star Wars a longtemps collé à la peau. Elle trouve ici le contre-emploi parfait et s’en tire à la perfection. Une gageure lorsqu’on sait à quel point le cinéma est l’art du charisme par excellence. La subtilité de l’actrice passe ici par le contraste saisissant entre le minimalisme de la première partie et l’éclosion que manifeste ensuite son personnage dans sa volonté de séduire, face à un partenaire volontiers hâbleur (incarné par l’humoriste canadien Dave Merheje) sur lequel elle doit se caler pour donner à leur histoire une chance de durer.
Dave Merheje
Le titre original du film donne un juste aperçu de son étrangeté : Sometimes I Think About Dying, autrement dit Parfois je pense à mourir. Pour s’ouvrir aux autres, son anti-héroïne doit d’abord régler ses comptes avec sa personnalité cadenassée mais complexe. C’est sans doute pour cela que l’homme sur lequel elle jette son dévolu, ou plutôt qui la force à assumer ses responsabilités, est aussi celui qui semble de prime abord lui convenir le moins bien, tant il cherche à se faire remarquer. La vie rêvée de Miss Fran atteste de l’émergence tant attendue des réalisatrices dans un cinéma américain où les femmes n’occupaient jusqu’alors que des fonctions subalternes. C’est le quatrième long métrage de Rachel Lambert, mais le premier au scénario duquel elle n’a pas collaboré, preuve qu’on peut signer un authentique film d’auteur en se contentant de le mettre en scène. En l’occurrence, le long est le prolongement d’un court du même titre réalisé en 2019 par Stefanie Abel Horowitz qui trouve ici un nouveau souffle à l’instigation d’une actrice à ce point inspirée par son personnage qu’elle a tenu à coproduire le film. Un petit bijou parfois narquois qui excelle sur le registre pince-sans-rire.
Jean-Philippe Guerand
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