Film français d’Arnaud des Pallières (2023), avec Mélanie Thierry, Josiane Balasko, Marina Foïs, Yolande Moreau, Carole Bouquet, Miss Ming, Dominique Frot, Agnès Berthon, Lucie Zhang, Elina Löwensohn, Solène Rigot… 1h50. Sortie le 24 janvier 2024.
Marina Foïs et Mélanie Thierry
Certains sujets rencontrent parfois l’air du temps au point d’inspirer simultanément plusieurs traitements, après avoir été trop longtemps ignorés. Il y a trois ans, Mélanie Laurent exhumait dans Le bal des folles un événement emblématique de la situation de la psychiatrie en France, à travers une fête annuelle organisée à l’hôpital de la Salpétrière, d’après un roman de Victoria Mas. Un événement d’autant plus emblématique qu’il mettait en évidence à la fois le fonctionnement général des asiles d’aliénés à la fin du XIXe siècle et l’état de la condition féminine de l’époque, à travers le sort réservé à des mères, des filles, des orphelines, des sœurs et des épouses victimes d’internement abusifs dans une société patriarcale où tout semblait permis. Une situation également évoquée par Alice Winocour dans son premier long métrage, Augustine, en 2012, à travers la personnalité du docteur Charcot et ses travaux sur l’hystérie. On redécouvre aujourd’hui à quel point la condition féminine a catalysé les errements d’une société à deux vitesses dont l’une frôlait le point mort, avec le soutien et même la complicité des mâles tout puissants. Dans Captives, Arnaud des Pallières raconte l’immersion d’une femme à la recherche de sa mère en 1894 dont la rumeur affirme qu’elle aurait été enfermée malgré elle dans cet établissement utilisé pour se débarrasser des “encombrantes” qui applique un régime carcéral, le plus souvent à la demande des familles désireuse de se débarrasser de leurs membres les plus gênants, soit pour des motifs pécuniaires, soit parce qu’ils menacent de ternir leur rang social et leur réputation.
Carole Bouquet
L’immersion d’un personnage sain parmi un groupe de reclus a inspiré par le passé des films aussi puissants que La tête contre les murs (1959) de Georges Franju, Shock Corridor (1965) de Samuel Fuller et Vol au-dessus d’un nid de coucou (1976) de Milos Forman, avec toujours en ligne de mire les conditions indignes réservées aux patients par la psychiatrie. Captives s’inscrit dans cette tradition pour décrire un véritable monde parallèle qui stigmatise les grands sentiments sous prétexte de nettoyer la société de ses brebis galeuses en leur infligeant tous les sévices. L’habileté du scénario de Captives est de souligner la mixité sociale de ce lieu de perdition, à travers l’aristocrate campée par Carole Bouquet, d’autres femmes de condition plus modeste, mais aussi des surveillantes qui laissent parfois libre cours à leurs plus bas instincts en assouvissant une sorte de vengeance contre la condition à laquelle les a réduites la société. Avec ce point d’orgue que constitue cet ultime bal des folles postérieur à la disparition de Charcot au cours duquel la bonne société est invitée à frayer le temps d’un soir avec ces parias dépossédés de leur identité que les autorités de tutelle pensent avoir lobotomisés au point de les empêcher de faire état des conditions inhumaine dans lesquels ils perdent le peu de raison qui leur reste, dans l’indifférence générale. Le film est servi par la qualité de son interprétation, la fluidité de sa mise en scène qui évite d’aligner les numéros d’actrices et une recherche chromatique due au chef opérateur David Chizallet qui contribue à instaurer une atmosphère étrange mais jamais glauque.
Jean-Philippe Guerand
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