Film français de Vincent Perez (2023), avec Roschdy Zem, Doria Tillier, Guillaume Gallienne, Damien Bonnard, Vincent Perez, Noham Edje, Pepe Lorente, Myriem Akheddiou, Eva Danino… 1h40. Sortie le 27 décembre 2023.
Guillaume Gallienne et Roschdy Zem
Pour être passé par le Conservatoire et avoir été l’élève de Patrice Chéreau à l’École des Amandiers, Vincent Perez a suivi l’apprentissage théâtral le plus noble qui soit : celui qui menait naguère les acteurs aux grands rôles de chevaliers et de bretteurs du répertoire. Des qualités qu’il a eu maintes fois l’occasion de manifester dans des films comme Cyrano de Bergerac, Le voyage du capitaine Fracasse, La reine Margot, Le bossu, Fanfan la tulipe ou Demain dès l’aube. Il signe avec Une affaire d’honneur sa quatrième réalisation en vingt ans, mais la première à se concentrer sur l’usage du duel, et y tient le rôle du méchant de service, un colonel accoutumé aux combats singuliers qui va trouver en travers de sa route un maître d’armes habité quant à lui par une très haute idée de sa discipline (Roschdy Zem, décidément tout-terrain) et du code d’honneur attenant. Cette reconstitution d’un Paris de 1887 qui se joue de l’abolition des privilèges et des droits féodaux survenue un siècle plus tôt dépeint une société en proie à des coutumes barbares perpétuées par de véritables coqs de combat. Une caste de criminels au sein de laquelle tente de s’insinuer une authentique pionnière du féminisme pourtant injustement oubliée, Marie-Rose Astié, suffragette avant l’heure qu’incarne ici Doria Tillier dont la modernité s’affiche parfois à la limite de l’anachronisme.
Doria Tillier
Alors même qu’un tel sujet pourrait aisément prêter à la lassitude, Vincent Perez balaie cet écueil en s’appuyant sur la diversité des pratiques qu’englobait le duel. Épée, sabre, pistolet, à pied ou à cheval : le choix des armes fait partie du rituel et reflète bien souvent la barbarie de ceux qui demandent réparation d’une supposée offense. Une affaire d’honneur progresse au rythme de ces confrontations et esquisse à travers elles le combat acharné du monde moderne contre la perpétuation de pratiques anachroniques par des militaires revanchards et des arrivistes soucieux de parfaire leur réputation aux yeux d’une aristocratie dévaluée. C’est autour de cette escalade inéluctable orchestrée par la folie d’un homme que le film dépeint avec une certaine finesse cette époque au fond assez méconnue où rôde le spectre de la guerre de 1870 et où Gustave Eiffel entreprend la tour qui deviendra le symbole universel de Paris. Comme un baroud d’honneur de l’obscurantisme sur un progrès irrésistible que symbolisent ces combats dévastateurs interdits aux femmes. C’est tout le paradoxe de ce film de montrer les ravages d’un patriarcat barbare et dominateur qui trouve d’évident échos dans la société contemporaine et le combat de #MeToo en faveur d’une véritable égalité des chances. Sur le plan purement cinématographique, la mise en scène s’impose par son efficacité en accordant la primauté à une direction d’acteurs envisagée comme un collectif que comme un assemblage de numéros.
Jean-Philippe Guerand
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