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“Sirocco et le royaume des courants d’air” de Benoît Chieux



Film d’animation franco-belge de Benoît Chieux (2023), avec (voix) Loïse Charpentier, Maryne Bertieaux, Aurélie Konaté, Pierre Lognay, Laurent Morteau, Éric de Staercke, David dos Santos, Géraldine Asselin… 1h20. Sortie le 13 décembre 2023.





Deux sœurs de 4 et 8 ans parviennent à trouver un passage secret qui mène au royaume des courants d’air, le monde merveilleux de l’eur livre de chevet. Là, transformées en chatons et séparées l’une de l’autre, elles vont devoir se débrouiller toutes seules, trouver des alliés et affronter Sirocco, le redoutable maître des vents et des tempêtes, peut-être moins malfaisant qu’il n’y paraît. Ce premier long métrage en solo de Benoît Chieux témoigne de l’influence de celui auprès de qui il a accompli ses débuts en tandem sur Tante Hilda ! (2013), Jacques-Rémy Girerd. Il a par ailleurs collaboré au scénario avec un autre réalisateur d’animation, Alain Gagnol, ci-devant auteur de Phantom Boy (2010). Il souffle donc sur Sirocco et le royaume des courants d’air l’esprit du studio Folimage qui a tant apporté au cinéma d’animation français par sa fraîcheur et sa poésie. On en perçoit ici la spécificité à travers un parti pris original qui consiste à animer simultanément les personnages et les décors en trouvant le moyen d’évoquer en permanence la présence des éléments. C’est l’une des caractéristiques visuelles et mêmes sensorielles de ce film qui revendique sa poésie.





Benoît Chieux prend le parti d’inonder de couleurs son film et d’accorder une place privilégiée à la caractérisation de ses personnages pour nous entraîner dans un univers foisonnant. Il s’inscrit là dans une longue tradition qui va des grands classiques de Walt Disney inspirés de contes de fées à la modernité chatoyante chère à Michel Ocelot, le créateur de Kirikou. Avec, comme il se doit, une place de choix accordée à notre capacité à rêver qui passe par le regard de ces deux petites filles dont l’innocence nous guide à travers ce monde fantastique. Avec cette idée corrélative qui consiste à les mettre dans la peau d’un animal de compagnie dont on se souvient que le scénariste avait déjà adopté le point de vue dans Une vie de chat (2010) coréalisé avec Jean-Louis Felicioli. Le film revendique toutes les caractéristiques du voyage initiatique et s’appuie sur un bestiaire foisonnant, mais parfois juste décoratif à l’instar de ces petites sorcières qu’on croise sans vraiment s’y attarder. De même, cette histoire met en scène des gamines qui ne deviennent pas vraiment des héroïnes, mais laissent libre cours à leur imagination et à leurs caractères bien trempés pour se faire une place dans un monde fantasmagorique. On perçoit en outre la différence saisissante de traitement entre leur caractérisation et la place accordée aux autres personnages féminins par rapport à des protagonistes masculins plutôt insignifiants. Un parti pris d’autant plus réjouissant qu’il est assumé avec le sourire. À l’image de ce film délicieux et charmant.

Jean-Philippe Guerand





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