Accéder au contenu principal

“Silent Night” de John Woo



Film américain de John Woo (2023), avec Joel Kinnaman, Kid Cudi, Catalina Sandino Moreno, Scott Mescudi, Harold Torres, Anthony Giulietti, Valeria Santaella, Yoko Hamamura, Vinny O’Brien, Acoyani Chacón… 1h44. Mise en ligne sur Amazon Prime Video le 29 novembre 2023.



Joel Kinnaman



Les plateformes de streaming ont ancré leur montée en puissance en accrochant de plus en plus de célébrités à leur tableau de chasse, sans toujours obtenir des résultats au diapason de leurs espérances. Dernière prise en date : John Woo. Le réalisateur hongkongais immigré à Hollywood depuis une trentaine d’années n’y a pas vraiment retrouvé l’inspiration de ses débuts et a fini par dissoudre son talent dans des films d’action totalement dépourvus de personnalité avant de retourner en Chine. Six ans après Manhunt, il revient avec Silent Night, un film dont le scénario se trouve réduit à sa plus simple expression. La veille de Noël (d’où le titre…), un homme dont la femme et la fille ont été les victimes collatérales d’un gang mexicain entreprend de venger ses chères disparues au terme d’une préparation méthodique. John Woo signe là à 77 ans un shoot ‘em up dans les règles de l’art sur un scénario de Robert Archer Lynn qui épuise une situation jusqu’à l’absurde, dans la plus pure tradition des films de vengeance dont Charles Bronson fut naguère un pionnier controversé. Avec cette fois Joel Kinnaman en justicier autoproclamé et le producteur de la saga John Wick aux commandes.



Joel Kinnaman



Silent Night est un film rectiligne qui ne s’attarde pas à se parer d’un quelconque vernis psychologique et assume son manichéisme sans vergogne. Il se contente juste d’accabler ses “méchants” (ou de leur chercher des circonstances atténuantes) en les montrant sous l’emprise de la drogue, donc dépossédés de leur lucidité. Face à eux, Joel Kinnaman dans un emploi spectaculaire de taiseux robotisé semble remplir son devoir avec davantage de rage que de plaisir et encaisse les coups avec un masochisme malsain. Un peu comme s’il se trouvait dépossédé de son libre-arbitre et exécutait là une contrainte, alors même que son existence endeuillée n’a plus aucun sens. John Woo orchestre ce face à face sans chercher à épater la galerie, mais il renoue véritablement avec ses fondamentaux au moment des scènes d’action, en manifestant son sens bien connu de la violence chorégraphiée, mais sans vraiment épargner son personnage principal qui relève en fait davantage du martyr que du héros, même s’il se sacrifie en lieu et place des forces de l’ordre non seulement dépassées mais gangrénées par l’influence de ceux qu’elles sont censées affronter. Rien de bien nouveau, sinon une certaine efficacité dont on ne pensait plus John Woo encore capable, ce qui est plutôt bon signe au moment où il transpose à Paris le remake américain d’un de ses chefs d’œuvre, The Killer.

Jean-Philippe Guerand






Joel Kinnaman

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract