Accéder au contenu principal

“Maestro” de Bradley Cooper



Film américain de Bradley Cooper (2023), avec Bradley Cooper, Carey Mulligan, Matt Bomer, Vincenzo Amato, Greg Hildreth, Michael Urie, Brian Klugman, Nick Blaemire, Mallory Portnoy, Sarah Silverman, Kate Eastman, William Hill, Sara Sanderson, Yasen Peyankov, Soledad Campos… 2h09. Mise en ligne sur Netflix le 20 décembre 2023.



Carey Mulligan et Bradley Cooper



Connu essentiellement en France pour avoir composé la musique de la comédie musicale West Side Story, Leonard Bernstein est devenu une légende de son vivant parmi le cercle très fermé des chefs d’orchestre, en cultivant son propre mythe avec un sens de l’auto-promotion à la démesure de son orgueil. Bradley Cooper s’est attaqué à ce personnage médiatique, de l’intérieur, en l’incarnant depuis le jour où il remplace au pied levé Bruno Walter à la baguette de l’Orchestre philharmonique de New York jusqu’à sa mort à la fin des années 90. L’acteur est en outre aussi le réalisateur de ce biopic qui succède dans sa carrière à une version très personnelle d’Une étoile est née (2018). Le regard qu’il porte sur son sujet est de ceux qui font jaser. Marié pendant un quart de siècle avec la comédienne de théâtre Felicia Montealegre (formidablement campée par l’actrice britannique Carey Mulligan dont les choix s’avèrent toujours pertinents), ce n’est qu’alors qu’il assume publiquement cette homosexualité longtemps cachée à ses trois enfants, mais décrite dans le film comme vécue clandestinement. Une double vie dont le couple constitue l’épicentre par sa complicité à toute épreuve. Des premières années filmées dans un noir et blanc qui évoque les grands photographes new-yorkais des années 50 à la période psychédélique, ce destin d’exception épouse esthétiquement celui des époques dans lesquelles il s’est inscrit, grâce au précieux concours du chef opérateur Matthew Libatique, célèbre pour sa collaboration de trente ans avec Darren Aronofsky.



Bradley Cooper



Maestro a la bonne idée de ne pas courir après l’exhaustivité en procédant à des choix pas toujours évidents. C’est ainsi que West Side Story n’est évoqué qu’en filigrane, à travers quelques accords en accompagnement sonore d’une séquence de transition. Le film prend en revanche le parti de remettre en perspective la première contribution majeure de Bernstein au musical à travers une séquence dansée d’On the Town que Stanley Donen et Gene Kelly porteront à l’écran sous le titre Un jour à New York. Il s’attarde en revanche sur la fièvre du compositeur et la fougue du chef d’orchestre dans lesquels Bradley Cooper met toute sa rage avec un mimétisme que confirment les images d’archive qui accompagnent le générique de fin. On remarque à cette occasion parmi les producteurs les noms de Martin Scorsese et Steven Spielberg qui avaient envisagé l’un puis l’autre d’assurer la mise en scène de ce film avant d’y renoncer. Maestro est un film efficace et plutôt élégant ponctué de quelques moments de lyrisme où la caméra se fait aérienne afin de transcender certains élans du cœur de ses protagonistes. Au second degré, ce biopic baigné de grands sentiments propose aussi un tableau de mœurs saisissant de l’Amérique de l’Après-Guerre soulagée de son puritanisme dans l’euphorie de la révolution soixante-huitarde. Avec en son centre un créateur habité par sa passion et sa fureur de vivre libre.

Jean-Philippe Guerand





Bradley Cooper

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract