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“Vincent doit mourir” de Stéphan Castang



Film franco-belge de Stéphan Castang (2022), avec Karim Leklou, Vimala Pons, François Chattot, Jean-Rémi Chaize, Ulysse Genevrey, Karoline Rose Sun, Emmanuel Vérité, Sébastien Chabane, Pierre Maillet, Anne-Gaëlle Jourdain, Maurin Olles, Jean-Christophe Folly, Guillaume Bursztyn… 1h48. Sortie le 15 novembre 2023.



Karim Leklou



Un beau matin, un homme comme les autres est victime d’une véritable agression sans mobile apparent. Un incident suivi un peu plus tard d’un déchaînement irrationnel de fureur qui jette la stupeur parmi son entourage et l’incite à se soigner et surtout à se mettre en retrait, sans qu’il ait pour autant quoi que ce soit à se reprocher qui justifie de tels actes. Devenu le bouc émissaire de ces atteintes aussi sauvages que soudaines dont il cherche en vain le mobile, Vincent va devoir prendre sur lui pour partir en quête de ces inconnus qui lui veulent du mal et découvrir qu’il n'est pas le seul dans son cas, même si les médias demeurent mystérieusement silencieux sur ces événements inexplicables. Le point de départ de ce film est de ceux qui peuvent mener à des développements multiples sinon fantaisistes ou radicaux. Stéphan Castang a choisi pour interprète principal un acteur qui a fait ses preuves dans des rôles parfois extrêmes, Karim Leklou, colosse aux pieds d’argile aussi à l’aise en faux gourou de Barbès dans Goutte d’Or qu’en prisonnier permissionnaire en proie à des troubles psychiques dans Temps mort. Le réalisateur joue avec habileté du contraste entre sa carrure imposante et une vulnérabilité qu’il exprime en se mettant volontiers à nu. Comme pour s’imposer un défi contre nature en donnant le meilleur de sa force tranquille face à une agressivité et à une sauvagerie qui semble même avoir dépassé ses responsables en proie à des pulsions irrépressibles.



Vimala Pons et Karim Leklou



Il convient de souligner ici une spécificité de ce premier film assez peu commune dans le cinéma français en proie à la sacro-sainte politique des auteurs, son scénario original n’est pas l’œuvre de son réalisateur, mais de Mathieu Naert. Une spécificité qui va de pair avec un souci de s’inscrire dans la lignée des premiers films de George Romero en orchestrant un glissement progressif de la réalité qui crée une atmosphère oppressante. S’agit-il de la naissance d’une nouvelle école ? On peut l’appeler de ses vœux, au vu d’un propos singulier et totalement assumé qui finit par esquisser le panorama d’une société où les bourreaux surgissent à chaque coin de rue et où les victimes sont contraintes de prendre le maquis pour leur échapper. La parabole est terrifiante, mais pas si fantaisiste que cela par sa façon de décrire une menace aussi soudaine qu’irrationnelle. Comme si les agresseurs étaient des sortes d’agents dormants tapis dans les recoins les plus inattendus de notre société. Le monde dont nous donne un aperçu Vincent doit mourir est une sorte d’antichambre de l’Enfer qui ne dit pas son nom, mais a engendré lui-même une menace endogène en exacerbant l’individualisme et la paranoïa. La qualité de la mise en scène de Stéphan Castang sert à merveille ce propos dont on se prend à imaginer qu’il pourrait engendre un remake américain concentré exclusivement sur son caractère imprévisible et soudain. Ce serait une erreur qui détournerait le film de l’essentiel : son propos universel sur le pervertissement de l’individu par un environnement toxique qui engendre de véritables bombes humaines.

Jean-Philippe Guerand







Vimala Pons

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