Film canadien de Denys Arcand (2023), avec Rémy Girard, Sophie Lorain, Marie-Mai, Guylaine Tremblay, Caroline Neron, Alexandra McDonald, Alex Rice, Charlotte Aubin, Katia Gorshkova, Robert Lepage, Yves Jacques, Edgar Bori, Denis Bouchard, René Richard Cyr, Clémence Desrochers, Marcel Sabourin, Guillaume Lambert… 1h55. Sortie le 22 novembre 2023.
Rémy Girard
Notre époque vit à l’heure de la contestation du patriarcat, de la confusion des genres, pour ne pas dire leur négation, et d’une vaste remise en cause de nos acquis qu’on qualifie expéditivement de wokisme pour ne pas avoir à en détailler les subtilités supposées. C’est dans ce contexte pour le moins déstabilisant que situe son nouveau film le réalisateur québécois octogénaire naguère considéré comme novateur du Destin du peuple américain (1986), avec pour personnage principal son acteur fétiche, Rémy Girard. Celui-ci incarne un vieux garçon passablement misanthrope qui assiste à un événement édifiant au sein même de sa maison de retraite lorsque des activistes exigent de la directrice la destruction d’une fresque évoquant la confrontation des conquérants du Nouveau Monde avec des améro-indiens. Testament est une comédie grinçante qui s’inscrit dans la continuité logique des films précédents de Denys Arcand, en dépeignant (c’est le cas de le dire !) ce moment où la civilisation en proie à sa mauvaise conscience se soumet aux revendications les plus radicales exprimées par des militants conscients d’abuser de ce qui ressemble à une rente de situation sinon à une fronde massive et instrumentalisée.
Marie-Mai et Rémy Girard
Derrière son titre qui résonne de la part de son auteur à la fois comme une fin de carrière annoncée et le crépuscule de toute une époque, Testament s’assume comme une charge virulente et jubilatoire contre un politiquement correct qui assume être devenu peu à peu… incorrect. Comme il en a pris l’habitude, le cinéaste choisit pour alter ego Rémy Girard en intellectuel bougon confronté à des générations montantes vindicatives qui semblent mues par une revendication unique : on efface tout et on recommence. Un nihilisme qui passe par une réécriture du passé qui ressemble à s’y méprendre à du révisionnisme et atteste surtout du manque de culture de ses instigateurs aveuglés par une soif de revanche inextinguible. Comme souvent par le passé, Denys Arcand prend le parti d’en rire, mais s’attaque davantage à l’expression de cette colère qu’à ses raisons profondes. Quitte à se projeter dans l’avenir pour en relativiser rétrospectivement la légitimité avec une jubilation plutôt communicative. Les intentions de ce Testament ne sont pas polémiques. Elles s’attachent avant tout à l’absurdité d’un monde en lutte contre les moulins à vent de ses erreurs passées, sans même se rendre compte que le glas de sa disparition est sonné et que c’est à d’autres peuples que va échoir la responsabilité de se montrer à la hauteur des enjeux à venir. Des problèmes de nantis somme toute dérisoires face à toute la misère du monde. Toujours malicieux, Arcand se garde bien de prendre position et dépeint la misanthropie trompeuse de son héros aussi magnifique que désabusé comme sa plus sûre protection contre la folie ambiante des revanchards de toutes sortes.
Jean-Philippe Guerand
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