Film franco-tunisien d’Alexandre Arcady (2023), avec Léo Campion, Marie Gillain, Christian Berkel, Patrick Mille, Françoise Fabian, Pascal Elbé, Michel Boujenah, Dany Brillant, Jean Benguigui, Franck Dubosc, Olivier Sitruk, Judith El Zein, Moussa Maaskri, Smaïn Fairouze, Rona Hartner, Valérie Kaprisky, Iman Perez… 2h08. Sortie le 15 novembre 2023.
Léo Campion
Hanté par l’idée d’un paradis perdu depuis qu’il a quitté l’Algérie avec sa famille, Alexandre Arcady en a fait naguère le sujet de son premier long métrage, Le coup de sirocco (1979), en puisant son inspiration dans un roman de Daniel Saint-Hamont. Il boucle aujourd’hui cette boucle autobiographique en portant à l’écran le livre qu’il a publié en 2003, Le petit blond de la Casbah. Léo Campion (découvert en Marcel Pagnol enfant dans Le temps des secrets) y succède à un débutant nommé Patrick Bruel dans le rôle de ce jeune Pied-Noir dont l’enfance préservée va se fracasser contre la réalité de la décolonisation. Une évocation qui passe par le pèlerinage mémoriel du cinéaste (campé adulte par Patrick Mille) sur les traces de son enfance afin d’y présenter le film qu’il a consacré à cette période clé de son existence. Habile conteur, Alexandre Arcady colle au plus près de ses souvenirs en troquant les parents pittoresques qu’incarnaient naguère Marthe Villalonga et Roger Hanin contre le couple formé par Marie Gillain et Christian Berkel, un acteur qui est la révélation du film dans le rôle d’un légionnaire d’origine hongroise au cœur d’artichaut. Ce nouveau film est l’occasion pour Alexandre Arcady de lâcher les chevaux et de déclarer son amour inconditionnel à cette famille méditerranéenne au sein de laquelle il a eu l’idée lumineuse de confier le rôle de sa grand-mère à… Jean Benguigui, en renouant là avec une longue tradition. Avec en prime la célébration de sa passion pour le cinéma qui passe par une séquence d’anthologie qu’auraient pu signer le Claude Lelouch des Uns et les autres ou le Steven Spielberg de The Fabelmans par sa façon à la François Truffaut de montrer ce spectacle comme un refuge face aux aléas d’une vie pas toujours gratifiante.
Christian Berkel et Marie Gillain
Galvanisé par ce sujet qui lui tient particulièrement à cœur, Alexandre Arcady assume son émotion en ponctuant le quotidien de cette famille formidable de quelques moments de grâce, en invitant au sein de son autoportrait en adolescent une accélération de l’Histoire qui va contribuer à faire mûrir ce personnage insouciant sans détruire pour autant sa capacité à rêver. En portant sur la guerre d’Algérie le regard innocent qui fut le sien, il évite de laisser ces événements submerger son récit proprement dit, quitte à montrer son jeune protagoniste comme parfois un peu indifférent aux conséquences qu’ils ont sur la vie quotidienne de sa famille avant de les pousser à l’exil. En adoptant une structure narrative qui confronte en permanence ce passé à un retour aux sources à six décennies de distance, Arcady observe en quelque sorte la cicatrisation de plaies longtemps ouvertes, en s’accrochant aux visages et aux lieux qui hantent sa mémoire comme quand on feuillette un album photo en évoquant de chers disparus et en admirant des paysages et des décors oubliés. C’est exactement l’exercice auquel se livre le metteur en scène, quitte sans doute à magnifier certaines situations et à minimiser ses souvenirs les plus douloureux pour n’en retenir que des moments magnifiés par le temps. Tel quel, son film témoigne d’une insouciance et parfois d’une innocence qui sont celles de cet enfant qui a choisi de jouer avec nos émotions en empruntant la voie royale du cinéma spectacle. Sans jamais tricher avec les sentiments et en s’offrant quelques envolées lyriques assumées.
Jean-Philippe Guerand
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