Film français de Rudy Milstein (2023), avec Vincent Dedienne, Géraldine Nakache, Clémence Poésy, Isabelle Nanty, Sam Karmann, Rabah Naït Oufella, Anna Cervinka, Johann Dionnet, Rudy Milstein, Sébastien Castro, Guilhem Pellegrin… 1h41. Sortie le 22 novembre 2023.
Clémence Poésy
Stagiaire dans un cabinet d’avocats, Louis était transparent. Jusqu’au moment où, sous le coup d’un diagnostic médical dénué d’espoir, il attire soudainement la compassion de son entourage et y trouve une nouvelle raison de se battre. Il y a chez le personnage principal du premier long métrage du dramaturge Rudy Milstein une inquiétude endémique et une hypocondrie viscérale qui évoquent irrésistiblement Woody Allen. Un rôle en or pour cet éternel grand dadais de Vincent Dedienne qui ne devient intéressant aux yeux des autres qu’en raison de sa vulnérabilité supposée. À l’image de son titre, Je ne suis pas un héros est une comédie de caractères sur un perdant magnifique qui ne comprend pas grand-chose à ce qui lui arrive et subit davantage qu’il agit en séduisant par sa maladresse et son décalage par rapport au monde qui l’entoure. Son mal être congénital devient un pouvoir magique aux yeux des autres qui en viennent à lui prêter des qualités illusoires. Rudy Milstein donne en quelque sorte ici une revanche aux obscurs et aux sans-grades, en élevant le passe-muraille cher à Marcel Aymé au rang de tout ce qu’il n’est pas de prime abord et n’a vraiment aucune raison de devenir. Il lui suffit de prononcer quelques mots anodins pour voir sa parole interprétée comme une prophétie. Un malentendu propice à tous les quiproquos qu’exploite avec habileté un auteur rompu aux techniques du boulevard.
Vincent Dedienne et Isabelle Nanty
Rudy Milstein n’est pas du genre à flatter ses personnages. Il aurait même plutôt tendance à les accabler… quitte à mieux les sauver par la suite. C’est ainsi qu’il confie à Géraldine Nakache l’emploi ingrat d’une militante écolo hargneuse à la vulgarité rédhibitoire, mais aussi au duo formé par Isabelle Nanty et Sam Karmann le soin d’incarner les parents étouffants sinon castrateurs d’un Vincent Dedienne dont ils justifient le caractère effacé et plutôt soumis par leur propension à dire tout haut ce qui ne se verbalise généralement pas. On retrouve là l’une des caractéristiques les plus savoureuses de l’humour juif dont une certaine propension au masochisme qui va de pair avec le fait de subir au lieu d’agir, quitte à attirer le mépris, mais aussi parfois la pitié. Avec en guise de faire-valoir des partenaires ou plutôt des sparring-partners chargés de renvoyer les balles, à commencer par l’excellente Clémence Poésy, décidément trop rare dans le cinéma français sous prétexte de poursuivre la carrière internationale que lui a ouvert son rôle dans la saga Harry Potter. Et puis, difficile de passer sous silence ce médecin campé par Guilhem Pellegrin qui en est arrivé à banaliser sa fonction au point d’en perdre la maîtrise du langage et d’énoncer les pires diagnostics sans langue de bois ni précautions d’usage. L’une des forces du film consiste d’ailleurs à oser rire de tout sans prendre de gants et à jouer de nos angoisses pour nous forcer à les dédramatiser. Avec en guise de filtre la gentillesse et la candeur à toute épreuve du brave type campé par Vincent Dedienne rarement aussi bien servi à l’écran jusqu’alors que par cet anti-héros magnifique.
Jean-Philippe Guerand
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