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“Et la fête continue !” de Robert Guédiguian



Film franco-italien de Robert Guédiguian (2023), avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Lola Naymark, Robinson Stévenin, Gérard Meylan, Grégoire Leprince-Ringuet, Alicia da Luz Gomes… 1h46. Sortie le 15 novembre 2023.



Ariane Ascaride et Jean-Pierre Darroussin



Film après film, Robert Guédiguian est parvenu à construire une œuvre dont la cohérence est cimentée par une troupe fidèle qui fonctionne comme un micro-organisme à part entière. Le chantre de l’Estaque nous entraîne cette fois dans le cercle de Rosa, une infirmière à l’approche de la retraite embarquée malgré elle dans l’arène politique. Une personnalité généreuse et altruiste dont le réalisateur ne cache pas qu’elle lui a été inspirée par Michèle Rubirola, tête de liste de la gauche élue un peu malgré elle à la mairie de Marseille qui a surgi comme un chien dans ce jeu de quilles politique et remis en cause les certitudes des édiles les plus aguerris par son absence de calculs et un solide bon sens. Mais il ne s’agit ici que d’un simple artifice destiné à mettre en évidence le caractère bien trempé du personnage incarné par Ariane Ascaride, une personnalité fédératrice qui excelle dans l’accueil des vastes tablées conviviales propices aux grands discours existentiels, en mitonnant des recettes de bonheur. Il ne faudrait pas en déduire pour autant que le réalisateur a choisi de ne traiter ici que d’amour et d’amitié. L’auteur de Marius et Jeannette reste un cinéaste engagé et le prouve une nouvelle fois, en inscrivant son récit parmi ces tragédies à répétition qu’a vécues Marseille lorsque plusieurs immeubles de la rue d’Aubagne se sont effondrés. Comme en écho lointain au fameux Main basse sur la ville de Francesco Rosi dont le sujet reste d’une sinistre actualité… soixante ans plus tard, avec ses marchands de sommeil, ses promoteurs véreux et sa spéculation immobilière.



Gérard Meylan, Lola Naymark et Robinson Stévenin



Robert Guédiguian place Et la fête continue ! sous un parrainage ô combien illustre, celui du poète grec Homère. Une référence qui souligne aussi l’éternité de son inspiration. Avec cette conviction qui traverse son œuvre selon laquelle le cinéma d’auteur et le cinéma populaire sont plus que compatibles : souvent consubstantiels, comme l’ont prouvé naguère des cinéastes aussi illustres que Charlie Chaplin ou Jean Renoir sans le moindre didactisme. C’est dans cette lignée que s’inscrit le réalisateur sur un registre beaucoup moins désabusé que son précédent opus tourné dans ce cadre : Gloria Mundi (2019). Peut-être parce que la pandémie de Covid-19 et ses confinements à répétition ont enrayé une spirale tragique et que le cinéaste veut croire en une remise en question de nos certitudes les plus désespérées au profit d’un retour au bon sens. C’est en tout cas l’impression que dégage son vingt-deuxième long métrage. Avec en prime ses retrouvailles avec une troupe dont les membres prennent plaisir à changer de rôles, sans rien perdre pour autant de la complicité qui les unit. Et si Ariane Ascaride reste le centre de gravité, ou plutôt de complicité, de cette joyeuse troupe, Jean-Pierre Darroussin y campe cette fois un libraire amoureux, Gérard Meylan un frère roublard, Lola Neymark, Grégoire Leprince-Ringuet et Robinson Stévenin représentant quant à eux la jeune génération. Avec toujours cette atmosphère chaleureuse qui incite les individus à se transcender à travers le collectif. C’est même la marque de fabrique de cet incorrigible humaniste de Guédiguian, toujours prompt à sauver ses protagonistes de leurs bas instincts. Et la fête continue ! porte bien son titre.

Jean-Philippe Guerand








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