Film français d’Olivier Nakache et Éric Toledano (2023), avec Pio Marmaï, Jonathan Cohen, Mathieu Amalric, Noémie Merlant, Luàna Bajrami, Jean-Louis Garçon, Grégoire Leprince-Ringuet, Hélèna Mogelan, Gaïa Warnant, Sophie Parel, Marie Bouvet, Benjamin Georjon… 1h58. Sortie le 18 octobre 2023.
Noémie Merlant et Pio Marmaï
« Une année difficile », c’est l’expression consacrée que la quasi-totalité des présidents de la Cinquième République ont banalisée à l’occasion de leurs vœux traditionnels, qu’il s’agisse d’un constat ou d’une prédiction. Comme pour se dédouaner de leurs actions passées ou à venir, en imputant la faute aux circonstances. Une formule passe-partout qui va comme un gant au nouveau film du tandem Nakache-Toledano, une chronique sociétale dans laquelle deux types qui ont en commun leur dossier de surendettement croient trouver un remède à leur situation en intégrant un mouvement associatif radical par pur opportunisme, mais aussi pour les beaux yeux d’une militante écolo. Dans les rôles de ces pieds nickelés du système D, Jonathan Cohen et Pio Marmaï forment un duo plutôt savoureux, même s’ils ont parfois tendance à tourner en roue libre, l’un glanant les fruits de la notoriété que lui ont valu ses performances télévisuelles dans La flamme et Le flambeau, l’autre exploitant un registre qui a récemment fait ses preuves dans Yannick de Quentin Dupieux. Une association de bienfaiteurs particulièrement dynamique que complète Noémie Merlant en bourgeoise idéaliste trop engagée dans sa cause pour remarquer qu’elle a affaire à des imposteurs mus par un individualisme forcené qui contraste avec son dévouement naïf pour une juste cause, lui-même assorti d'un statut social confortable. Une année difficile s’inscrit dans la continuité des comédies précédentes des auteurs du Sens de la fête (2017) et de Hors normes (2019), sans arborer toujours la même rigueur ni surtout une rélle nécessité. Passés maîtres dans l’art délicat du Buddy Movie, en tandem voire en groupe, les réalisateurs en viennent parfois à laisser la machine tourner à vide par pur plaisir de laisser leurs interprètes savourer leur complicité.
Jonathan Cohen, Pio Marmaï et Noémie Merlant
Le talent principal d’Olivier Nakache et Éric Toledano consiste à saisir l’air du temps et à le restituer de façon saisissante, notamment dans cette reconstitution de la frénésie de consommation engendrée par un Black Friday qui vire à la foire d’empoigne, au ralenti et au rythme d’une chanson de Jacques Brel. Un ballet piteux qui se contente en fait de poétiser à l’identique les images d’actualité de cette grand-messe annuelle du consumérisme effréné sur le refrain cynique d’« achète et tais-toi » en achetant la paix sociale par les soldes. Instantané sidérant des ravages d’une fièvre acheteuse poussée jusqu’à la déraison. Une année difficile s’inscrit dans la lignée de ces comédies sociétales comme Une époque formidable (1991) de Gérard Jugnot ou La crise (1992) de Coline Serreau qui rendaient compte de la voie sans issue dans laquelle s’engageait la société de consommation, sans espoir de retour, pour escamoter à la hâte la fameuse fracture sociale. Le cynisme ne figure toutefois pas au répertoire des cinéastes qui manifestent davantage de bienveillance que de cruauté vis-à-vis de ces “bras cassés” et préfèrent réserver leurs coups à ces écolos sectaires dont l’audace extrême consiste à adopter des pseudos dignes de boy-scouts comme Cactus (Noémie Merlant), Quinoa (Grégoire Leprince-Ringuet) ou Antilope (Luàna Bajrami). C’est sans doute la limite de l’exercice, même si les réalisateurs n’ont par leurs pareils pour pousser leurs interprètes dans leurs retranchements, à l’instar de Mathieu Amalric en avocat déclassé qui se définit lui-même comme « le clown blanc du film ». Une comédie certes plaisante quoiqu’à la fois un peu trop consensuelle et pas assez vindicative. Sans doute parce qu’un tel sujet méritait moins de bienveillance que de poil à gratter. Mais admettons qu’on ne prête qu’aux riches…
Jean-Philippe Guerand
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