Film américano-franco-belge de Sophie Barthes (2023), avec Emilia Clarke, Chiwetel Ejiofor, Rosalie Craig, Vinette Robinson, Jean-Marc Barr, Kathryn Hunter, Veerle Dejaeger, Lamara Strijdhaftig, Emma de Poot, Kyoung Her, Karel van Cutsem, David Beelen, Bernard Gallant, Aslin Farrell, Benedict Landsbert-Noon… 1h51. Sortie le 25 octobre 2023.
Emilia Clarke et Chiwetel Ejiofor
La science-fiction ne revêt pas toujours la forme de voyages intergalactiques ou autres élucubrations spectaculaires. Il existe une alternative moins tapageuse qui consiste à extrapoler à partir d’éléments authentiques dont relèvent des films d’anticipation comme Bananas (1971) de Woody Allen ou Her (2013) de Spike Jonze en observant le progrès supposé à travers le prisme de l’évolution des mœurs. Sophie Barthes imagine ainsi un monde proche gouverné par l’intelligence artificielle où celle-ci est chargée de soulager les femmes d’une contrainte millénaire, la grossesse, par le biais de l’ectogenèse, un processus de procréation qui permet le développement de l'embryon et du foetus dans un utérus artificiel, le fameux Pod. C’est le procédé qu’adopte un couple new-yorkais afin que la femme échappe à cette fatalité anachronique qui risque de nuire à son ascension professionnelle, que l’homme puisse donner libre cours à ses velléités de paternité et que les parents se répartissent les tâches de façon plus équilibrée. Cette déclinaison moderne de certaines conventions de la comédie sentimentale a le mérite de tordre le cou à pas mal d’idées reçues en s’appuyant sur la capacité de l’IA à subvenir aux besoins de l’humanité : certains anodins, mais d’autres beaucoup plus fondamentaux. Le progrès va si vite que la réalisatrice française Sophie Barthes avoue avoir été dépassée par les progrès enregistrés dans ce domaine entre le moment où elle a conçu son film et celui où elle l’a achevé. Elle tient par ailleurs à souligner que la motivation première des apprentis-sorciers de la Silicon Valley relève davantage de la quête du profit que de l’idéalisme ou de l’altruisme.
Chiwetel Ejiofor
Fortement influencé par l’esprit d’un des livres de chevet de la réalisatrice, “Le meilleur des mondes“ d’Aldous Huxley, The Pod Generation aborde plusieurs thématiques fondamentales et parfois incompatibles parmi lesquelles la marchandisation des corps et la nouvelle répartition des tâches revendiquée par les féministes radicales. Avec pour corollaire la méfiance endémique d’un progrès anarchique et exponentiel dans lequel l’être humain peine à retrouver ses repères les plus élémentaires. Sophie Barthes choisit pour cela une sorte de couple témoin qu’on pourrait considérer comme mal assorti de prime abord. Emilia Clarke incarne une ambitieuse dénuée de scrupules tandis que Chiwetel Ejiofor campe un homme plutôt sceptique qui éprouve un besoin irrépressible de se reconnecter à la nature. Deux personnalités a priori contradictoires aux prises avec un progrès menaçant. Tel est le postulat de ce film plutôt souriant qui arbore sur le plan esthétique la beauté glacée d’un spot promotionnel pour une société idéale, mais pointe çà et là les menaces que risque de faire peser sur la société un recours systématique à des auxiliaires déshumanisés sous prétexte de nous soulager des tâches les plus fondamentales. Ce film plutôt plaisant est une invitation à la réflexion qui évite les grands discours théoriques au profit d’un recyclage de situations comme on en croise dans la plupart des comédies sentimentales, tout juste un rien plus décalées.
Jean-Philippe Guerand
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