Film d’animation franco-italien de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach (2023), avec (voix) Mélinée Leclerc, Clotilde Hesme, Laetitia Dosch, Sam Kalidi, Estéban, Claudine Acs, Patrick Pineau… 1h13. Sortie le 18 octobre 2023.
Parce que Paulette a accusé injustement sa fille Linda d’avoir échangé sa bague contre un béret jaune, elle décide de se faire pardonner en lui préparant un poulet aux poivrons. À ceci près qu’elle ne sait pas cuisiner et qu’il lui faut d’abord se procurer les ingrédients nécessaires, ce qui n’est pas vraiment une sinécure un jour de grève générale. L’affaire tourne au parcours du combattant, d’autant plus que la fameuse recette de son père invite à la nostalgie. Révélé par La jeune fille sans mains (2016), Sébastien Laudenbach s’est associé cette fois avec la réalisatrice italienne Chiara Malta dont Linda veut du poulet ! est le premier long métrage d’animation. Un film au graphisme singulier et au scénario extravagant qui pratique la déroute permanente et joue d’une multiplicité d’ingrédients, à l’image du plat que cherchent à concocter la mère et la fille dont la recette même relève du défi existentiel et finit par mobiliser un quartier entier uni pour accomplir une mission impossible. Le film joue autant la carte de la poésie que celle de l’humour en adoptant une esthétique très singulière qui lui confère une personnalité à part. Avec cette particularité qui consiste à proposer plusieurs niveaux de lecture selon l’âge et le regard spécifique des spectateurs. C’est toute la richesse sémiologique de cette entreprise qui consiste à s’appuyer sur un scénario abracadabrant pour brasser une multiplicité de thèmes et à illustrer le tout à travers un traitement graphique pour le moins singulier.
Sélectionné à Cannes dans le cadre de l’Acid, une section parallèle qui monte en puissance d’année en année, Linda veut du poulet ! se déroule dans le cadre d’une cité ordinaire où règne une solidarité à toute épreuve. Mais le film a beau être animé de bons sentiments, il ne sombre jamais dans la mièvrerie ou l’angélisme, même s’il exalte le vivre ensemble à travers une galerie de personnages pittoresques, mais solidement ancrés dans la société contemporaine, avec leurs problèmes quotidiens et aussi une véritable volonté de s’en sortir la tête haute et si possible avec le sourire. Il souffle sur cette fable fantaisiste d’aujourd’hui un authentique vent de folie qui donne aux événements les plus anodins du quotidien une dimension qui frise parfois le fantastique sinon le merveilleux. Ne serait-ce qu’à travers sa gamme chromatique bariolée et un traitement graphique délibérément accrocheur qui constituent la marque de fabrique de Sébastien Laudenbach en tant que dessinateur et coloriste. Le tout au service d’une véritable quête initiatique indispensable pour en finir avec le souvenir obsessionnel du père absent et permettre à la mère d’envisager une nouvelle vie conjugale après avoir sacrifié ses plus belles années à sa fille unique. C’est dire combien cette chasse au trésor extravagante multiplie les niveaux de lecture sans chercher la simplification à tout prix, mais s’adresse en tant que telle au public le plus large possible. Pour le plaisir, tout simplement.
Jean-Philippe Guerand
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