Film belgo-français d’Ann Sirot et Raphaël Balboni (2023), avec Lucie Debay, Lazare Gousseau, Florence Loiret-Caille, Florence Janas, Nora Hamzawi, Hervé Piron, Alice Dutoit, Ninon Borséi… 1h29. Sortie le 25 octobre 2023.
Nora Hamzawi et Lazare Gousseau
Voici un film qui s’appuie sur un postulat pour le moins singulier : pour parvenir à donner le jour à un enfant en toute sérénité, un couple doit accomplir une sorte de pèlerinage sentimental improbable qui consiste pour les deux partenaires à recoucher une fois avec l’intégralité de leurs ex. Une thérapie de couple sauvage à haut risque en forme d’exorcisme amoureux, puisque non seulement rien ne garantit qu’ils les retrouvent, mais en outre que ceux-ci se soumettent à ce marché pour le moins étrange, les motifs de leurs ruptures constituant des obstacles au moins aussi rédhibitoires que leur statut du moment. Un point de départ plutôt saugrenu pour une fable burlesque qui surfe sur une intense confusion des sentiments. Le couple constitue le centre de gravité et parfois d’hilarité des réalisateurs belges Ann Sirot et Raphaël Balboni qui avaient signé avec Une vie démente un premier film totalement jubilatoire par sa façon de confronter un couple à une vieille dame indigne en proie à une démence sénile en entrant dans son jeu afin de dédramatiser sa déchéance irréversible. Un sujet grave qu’ils abordaient avec autant de tact que d’irrévérence, quitte à faire rire des situations les plus poignantes. Un parti pris qui préside également au Syndrome des amours passées, à travers ce pèlerinage à haut risque en immersion dans un passé que rien ne destinait à être exposé ainsi en place publique.
Florence Janas et Lucie Debay
La solidité d’un couple est-elle en mesure de résister à l’étalage de toutes ces liaisons plus ou moins éphémères dont il est à la fois la conséquence et l’aboutissement ? À cette question épineuse sinon absurde, cette comédie sentimentale pour le moins atypique répond par une fraîcheur et une espièglerie qui semblaient avoir déserté ce genre depuis des lustres, sous l’effet de trop de productions anglo-saxonnes aseptisées dont la seule justification apparente est de plaire à tout prix, quitte à sacrifier pour cela toutes velléités de surprendre et a fortiori de choquer. C’est ce créneau qu’occupe Le syndrome des amours passées sans céder pour autant à la tentation d’intellectualiser à outrance un postulat à fort potentiel psychanalytique. Il y a quelque chose du Woody Allen des origines chez Ann Sirot et Raphaël Balboni. Leur nouveau film se promène dans la jungle amoureuse sans prendre de pincettes. Son postulat absurde semble condamner ses protagonistes à l’échec, tant il les expose à un défi absurde. Sa réussite passe par sa détermination, un traitement esthétique pop très appuyé et la façon dont s’en emparent ses deux interprètes principaux : Lucie Debay, déjà en vedette de leur opus précédent, et Lazare Gousseau, une authentique révélation dont le physique ne cadre pas vraiment avec l’image stéréotypée qu’on peut avoir d’un séducteur. L’amour c’est gai, l’amour c’est triste, semble nous susurrer cette tranche de vie qui se prélasse avec délectation dans son époque et dont le plus juste slogan pourrait être : “ C’était impossible… Ils ne l’ont pas fait ! ”
Jean-Philippe Guerand
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