Film franco-belge de Vanessa Filho (2023), avec Kim Higelin, Jean-Paul Rouve, Laetitia Casta, Élodie Bouchez, Jean Chevalier, Lolita Chammah, David Clavel, Agathe Dronne, Christophe Grégoire, Doby Broda, Benjamin Gomez, Irène Ismailoff, Anne Loiret… 1h56. Sortie le 11 octobre 2023.
Jean-Paul Rouve
Au départ, il y a un récit choc de Vanessa Springora relatant sa relation avec l’écrivain quinquagénaire Gabriel Matzneff et l’emprise de celui-ci sur l’adolescente romantique et mal dans sa peau qu’elle était. Une confession douloureuse d’une puissance dévastatrice que l’auteure a tenu à ponctuer de ses réflexions d’adulte sur cette relation toxique, en posant la question fondamentale du consentement qui devrait régir toutes les relations sentimentales, mais n’avait sans doute jamais été mis à ce point en évidence auparavant dans un livre devenu un best-seller sinon un véritable phénomène de société. L’impact de cet ouvrage qui a télescopé notre époque de plein fouet s’est avéré considérable et a contribué à faire bouger les lignes de façon sans doute irréversible. Le film qu’en tire aujourd’hui Vanessa Filho se concentre par nécessité sur les faits qui ont inspiré cette prise de conscience tardive mais de salubrité publique en brisant le miroir trompeur de ceux qui ont considéré la révolution des mœurs de Mai 68 comme un blanc-seing civilisationnel. Le consentement s’attache à la fin de l’innocence d’une jeune fille bien élevée mais pas assez prévenue, au contact d’un prédateur sexuel qui use de son aura intellectuelle pour prendre un ascendant sur sa jeune maîtresse à laquelle il déconseille de lire ses ouvrages les plus licencieux, sous prétexte qu’ils pourraient choquer cette lycéenne romantique éprise de littérature. Le loup est entré dans la bergerie et l’en faire sortir ne sera pas une partie de plaisir, mais un lent calvaire solitaire.
Jean-Paul Rouve et Kim Higelin
La réussite de cette adaptation à haut risque réside avant tout dans son casting. Sans doute glosera-t-on sur la composition spectaculaire et terrifiante de Jean-Paul Rouve dans le rôle de l’écrivain imbu de lui-même et ivre de sa prose qui abuse de ses proies en les étourdissant de sa vanité et justifie sa pédophilie bisexuelle par des discours oiseux sur la beauté de l’innocence. Face à lui, Kim Higelin impose une grâce naturelle qui joue autant sur le mal-être de son personnage que sur les stigmates de l’âge ingrat, sans jamais jouer les vamps ou les petites femmes fatales. C’est précisément parce qu’elle se sent mal dans sa peau entre une mère qui multiplie les dîners mondains et des camarades avec lesquels elle n’a que peu d’affinités que cette adolescente mal dans sa peau succombe à ce phraseur. Avec tout de même cet ultime codicille qui voit la jeune fille devenue femme (Élodie Bouchez) exorciser sur le papier cette aventure de jeunesse qui a bien failli la faire sombrer. Le consentement est un film qui contourne habilement les conventions habituelles du cinéma spectacle en plaçant le spectateur dans une situation délicate, sans complaisance ni voyeurisme. Il nous interpelle et nous bouscule en nous incitant à sortir de notre passivité collective coupable, tout en nous maintenant en permanence dans la posture ô combien inconfortable qui est celle d’un spectateur de cinéma condamné à subir, mais incité ici à réagir sinon à agir. C’est tout le mérite de cette vérité qui dérange… En souhaitant que le film fasse bouger les lignes comme y a déjà beaucoup contribué le livre.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire