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“Golda” de Guy Nattiv




Film britannico-américain de Guy Nattiv (2023), avec Helen Mirren, Camille Cottin, Rami Heuberger, Lior Ashkenazi, Ellie Piercy, Ed Stoppard, Rotem Keinan, Liev Schreiber, Dvir Benedek, Dominic Mafham, Ben Caplan, Kit Rakusen, Emma Davies, Zed Josef, Henry Goodman… 1h40. Mise en ligne sur Canal + le 11 octobre 2023.



Helen Mirren



Personnage mythologique de l’histoire d’Israël, la Première ministre Golda Meir a dû remporter la guerre du Kippour contre ses voisins syriens et égyptiens infiniment plus nombreux pour convaincre Anouar El Sadate de conclure la paix et de reconnaître officiellement l’existence de l’État hébreu. Elle a toutefois bénéficié d’un plus grand respect parmi la communauté internationale que dans son propre pays où elle a dû répondre de ses actes devant un tribunal. C’est cette femme d’exception controversée, déjà incarnée par Ingrid Bergman dans son ultime apparition à l’écran, le téléfilm d’Alan Gibson Une femme nommée Golda (1982), que met en scène le réalisateur israélien Guy Nattiv dans son troisième long métrage en solo. Un biopic qui se concentre autour d’une période charnière pour dresser le portrait d’une pionnière de la politique au féminin qui ne se déplace jamais sans son sac à main et prépare des gâteaux pour ses collaborateurs. Un rôle tenu par une Helen Mirren méconnaissable qui ajoute une nouvelle personnalité d’exception à son tableau de chasse d’actrice de composition après avoir campé la reine Elizabeth II dans The Queen (2006) de Stephen Frears. Présenté à la Berlinale puis au dernier festival de Deauville, le film s’attache à une période cruciale de l’histoire israélienne où le prix à payer pour obtenir la paix a été de faire la guerre, dans le contexte d’un confrontation entre les États-Unis de Richard Nixon et l’Union soviétique de Leonid Brejnev, avec en coulisse le rôle déterminant joué par Henry Kissinger (incarné par Liev Schreiber) qui joue de sa confession juive pour rallier Golda Meir à sa cause et éviter que le conflit ne se propage à l’ensemble du Moyen-Orient.



Camille Cottin et Helen Mirren



En se concentrant sur un moment clé de l’histoire de l’État d’Israël, Golda éclaire d’un jour nouveau le rôle joué par une femme considérée comme une véritable mère de sa patrie dont l’image médiatique colportée par les médias officiels, alors encore peu nombreux se heurte ici au combat qu’elle a dû livrer pour imposer ses intuitions stratégiques à des groupes de pression exclusivement masculins. Le revers de la médaille, c’est la minorisation évidente par le scénario du rôle joué par le ministre de la Défense Moshe Dayan, réduit ici à la silhouette pittoresque du guerrier héroïque au bandeau sur l’œil. Étonnamment, ce film consensuel s’achève par des images d’actualité de Golda Meir avec le président Anouar El Sadate, lors de la signature du traité de paix entre Israêl et l’Égypte, en la montrant comme une femme extrêmement spirituelle qui déclenche l’hilarité de ses homologues par son esprit. Une facette de sa personnalité que n’exprime paradoxalement jamais Helen Mirren qui campe quant à elle le personnage dans un contexte de crise aiguë : confrontée à une crise majeure qui contraint la femme d’État à prendre des décisions d’une importance vitale, puis à ses juges face auxquels elle est sommée de justifier ses décisions. C’est la limite d’un scénario qui la montre toutefois retenant un état émotionnel intense, face au désarroi d’une collaboratrice dont le fils a été envoyé en première ligne. Sans jamais l’évoquer au quotidien comme la grand-mère qu’elle affirme être dans un contexte géopolitique qui semble lui interdire d’assumer ce rôle, de peur de saper son autorité charismatique. Comme pour souligner qu’en politique, les femmes seraient astreintes à se comporter comme des hommes ordinaires. Un film programmé de longue date qui prend une signification particulière au moment où le Hamas et le Hezbollah attentent une nouvelle fois à l’intégrité de l’État d’Israël et s’érigent en bras armé des nations voisines au nom d’une cause palestinienne désormais instrumentalisée par l’Iran. Quand le passé sert à déchiffrer le présent…

Jean-Philippe Guerand






Helen Mirren et Rami Heuberger

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