Accéder au contenu principal

“Toni, en famille” de Nathan Ambrosioni



Film français de Nathan Ambrosioni (2023), avec Camille Cottin, Léa Lopez, Thomas Gioria, Louise Labeque, Oscar Pauleau, Juliane Lepoureau, Catherine Mouchet, Florence Muller, Guillaume Gouix, Saadia Bentaïeb, Benoît Giros, Caroline Espargillière… 1h35. Sortie le 6 septembre 2023.



Camille Cottin, Léa Lopez, Thomas Gioria

Louise Labeque, Oscar Pauleau et Juliane Lepoureau



Une ex-chanteuse de télé-crochet élève seule ses cinq enfants et se produit le soir dans les bars une fois qu’ils sont couchés devant des oiseaux de nuit qui ne la méritent pas vraiment. Au moment où les deux aînés s’apprêtent à quitter le nid familial pour poursuivre leurs études, elle peut enfin envisager de vivre aussi un peu pour elle en renouant avec ses ambitions de jeunesse. Mais le monde a changé autour d’elle et elle ne s’en rend pas nécessairement compte. Toni, en famille propose un portrait de groupe comme le cinéma français en a perdu l’habitude au profit de certaines sagas et sitcoms télévisuelles. Voici une comédie de caractères dont tous les protagonistes parviennent à exister avec la même intensité dans un contexte qui joue la carte du quotidien le plus prosaïque. Un sentiment de vérité d’autant plus troublant qu’il émane d’un réalisateur de tout juste 24 ans révélé par Les drapeaux de papier (2018), qui confirme une maturité hors du commun pour son âge en choisissant comme protagoniste une mère de famille qui a mis ses ambitions professionnelles entre parenthèses au profit de l’éducation de ses enfants et voit arriver le moment de vivre enfin aussi un peu pour elle. Non seulement cette étude de mœurs d’une grande justesse traduit avec une étonnante pertinence les tourments de l’enfance et de l’adolescence, dont on peut imaginer que le cinéaste les a vécus ou côtoyés, mais il se révèle d’une acuité extrême quand il dépeint ce personnage de quadra d’une patience angélique qui voit sa couvée s’égayer et décide enfin de céder à son désir de midinette vieillissante et à chasser le spectre de sa propre mère qui l’a naguère elle-même instrumentalisée (Catherine Mouchet, saisissante de froideur).



Juliane Lepoureau et Camille Cottin



Il n’émane pas la moindre trace d’amertume ou d’aigreur de cette chronique intimiste portée par une Camille Cottin impériale, enfin chargée d’un rôle à sa démesure, qui a affaire à forte partie en la personne de ses cinq jeunes partenaires, venus d’horizons multiples, quand on sait combien la confrontation avec des non-professionnels peut s’avérer éprouvante pour des comédiens rompus à des protagonistes plus aguerris. Or, ils s’avèrent les uns et les autres d’une justesse impeccable, quelle que soit leur expérience antérieure, et existent tous, aussi bien individuellement qu’en tant que fratrie vraisemblable. Le miracle de Toni, en famille réside dans la capacité qu’a le réalisateur à laisser la vie s’engouffrer dans son scénario, sans céder à la complaisance ou à la mièvrerie. Comme s’il voulait témoigner de ce que représentent le passage à l’âge adulte et la découverte de l’indépendance pour des jeunes gens peu ou prou de sa génération. Il réussit la prouesse de brosser un portrait de groupe crédible, sans sacrifier pour autant aucun de ses protagonistes confrontés à des problématiques de leur âge qui contraignent leur mère poule à s’adapter aux uns et aux autres, en se démultipliant pour essayer de les comprendre et surtout de les pousser à lui confier leurs états d’âme les plus intimes avec un dévouement intarissable. Certes, cette vision est sans doute parfois un peu angélique, mais il s’en dégage une authenticité incontestable, Camille Cottin cheminant en permanence sur une corde raide où son autorité parentale se voit soumise à rude épreuve par son instinct protecteur et la nécessité d’arbitrer les conflits éventuels. Une performance d’autant plus méritoire qu’elle a affaire à des natures parfois imprévisibles (à l’exception notable de Léa Lopez de la Comédie Française qui incarne Mathilde), mais toujours justes, même si le réalisateur n’a que très peu laissé libre cours à l’improvisation au sein de cette famille formidable.

Jean-Philippe Guerand



Louise Labeque, Juliane Lepoureau, Camille Cottin

Thomas Gioria, Léa Lopez et Oscar Pauleau

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract