Film helvéto-belge de Delphine Lehericey (2022), avec François Berléand, Kacey Mottet Klein, Maria Ribot, Jean-Benoît Ugeux, Deborah Lukumuena, Astrid Whettnall, Dominique Raymond, Sabine Timoteo, Lisa Harder, Luc Bruchez, Élise Havelange… 1h23. Sortie le 20 septembre 2023.
Astrid Whettnall et François Berléand
La vieillesse n‘est pas toujours un naufrage, mais le cinéma a toujours un certain mal à l’aborder avec le juste recul. Résultat, il est écartelé entre des comédies lénifiantes pleines de bons sentiments qui constituent souvent une aubaine pour des vétérans expérimentés en mal de rôles, à l’image des récents Un petit miracle de Sophie Boudre et Quand tu seras grand d’Andréa Bescond et Éric Métayer, et des drames naturalistes comme La gueule ouverte (1974) de Maurice Pialat et Amour (2012) de Michael Haneke dont l’audience se trouve limitée de fait par les reflets cruels qu’ils renvoient. La réalisatrice suisse Delphine Lehericey trouve un compromis satisfaisant avec Last Dance ! Un septuagénaire devenu veuf décide de réaliser une promesse qu’il a faite à son épouse : la remplacer dans le spectacle de danse contemporaine auquel elle avait consacré ses derniers mois dans le plus grand secret. Un projet qui contrarie ses enfants, dans la mesure où ceux-ci le considèrent comme un vieillard incapable de se débrouiller seul et aimeraient pouvoir régenter sa vie quotidienne sans prendre en compte ni son caractère indépendant et rebelle, ni sa vigueur et sa détermination.
François Berléand
Ce personnage déterminé et fantasque mais aussi souvent bonhomme et chaleureux trouve un sacré supplément d’âme à travers l’interprétation de François Berléand qui joue ce rôle sans jamais chercher à tricher. Comme s’il avait trouvé subitement un sens à la vie de ce retraité qui s’acquitte d’une mission post mortem et découvre au contact de ces danseurs un nouveau rapport à son corps, mais aussi une liberté dont il a visiblement peu usé au cours de son existence. L’histoire de cet homme est celle de tous ceux qui passent en quelque sorte à côté de leur véritable destin et tentent de rattraper le temps perdu en allant au bout de sensations dont ils ignoraient tout simplement l’existence. L’habileté du scénario consiste à opposer à cette révélation miraculeuse des enfants indignes qui connaissent en fait assez mal leurs propres parents dont la vie les a séparés, alors même que ceux-ci communient dans leur implication artistique avec des inconnus encore plus jeunes. La mise en scène s’attarde sur la nudité sans le moindre voyeurisme et réussit comme rarement à montrer ce que ressentent les danseurs, sans doute aussi parce que Delphine Lehericey a fait appel pour incarner la chorégraphe à l’Espagnole La Ribot qui est une figure marquante de la danse contemporaine. Et l’alchimie fait mieux que fonctionner, elle contribue à faire exulter ces corps en mouvement dans une ode à la liberté d’une tendresse communicative. Il a d’ailleurs obtenu un prix du public très mérité au festival de Locarno 2022.
Jean-Philippe Guerand
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