Film franco-américain de Luc Besson (2023), avec Caleb Landry Jones, Jojo T. Gibbs, Christopher Denham, Grace Palma, Clemens Schick, John Charles Aguilar, Iris Bry, Marisa Berenson, Lincoln Powell, Alexander Settineri, Michael Garza, Derek Slow, Avant Strangel, James Payton, Bennett Saltzman… 1h54. Sortie le 27 septembre 2023.
Caleb Landry Jones
Célébré dans les années 80 comme l’un des trois glorieux du cinéma français avec le regretté Jean-Jacques Beineix et le trop rare Leos Carax, Luc Besson a enchaîné les succès comme réalisateur, puis ccomme producteur et même comme distributeur. Mais, la rengaine est connue, la Roche tarpéienne est proche du Capitole, et son empire a commencé à se fissurer avec les échecs consécutifs de Valérian et la Cité des mille planètes (2017), Taxi 5 de Frank Gastambide (2018) et Anna (2019). C’est donc en quelque sorte un convalescent qui accomplit aujourd’hui son énième retour avec DogMan. Un calvaire universel dont le héros n’est pas sans lui ressembler par bien des aspects, mais aussi de coller à notre époque par son questionnement de genre. Ce personnage extravagant est campé par Caleb Landry Jones, prix d’interprétation masculine à Cannes 2021 pour Nitram de Justin Kurzel. Omniprésent à l’écran, c’est un enfant martyr qui a été jeté aux chiens, au propre comme au figuré, avant de devenir un marginal, de se produire comme transformiste et de se venger de la société qui l’a humilié. Un outsider à tous les sens du terme qui succède à tant d’autres dans l’œuvre ce Luc Besson, après Nikita (1990), Léon (1994), Jeanne d’Arc (1999), Lucy (2014) et Anna. Des hommes et des femmes qui doivent se battre pour survivre, avec toujours en arrière-goût une soif de vengeance. Mais laissons aux psychanalystes le soin d’analyser ce que ces personnages doivent à leur créateur, même si force est de constater que celui-ci n’est jamais aussi inspiré que lorsqu’il est aux abois.
Caleb Landry Jones
DogMan est ni plus ni moins qu’un Revenge Movie dont la morale sous-jacente induit que les chiens sont plus fiables que les hommes. Comme souvent chez Besson, le scénario est d’ailleurs réduit à sa plus simple expression pour culminer dans un climax final qui a en outre le bon goût ici d’éviter les images choquantes en ne montrant jamais les animaux en situation de souffrance ou pis encore. La mise en scène se concentre presque exclusivement sur la composition spectaculaire de Caleb Landry Jones dans un registre entre colère et souffrance où il joue par ailleurs avec talent de son ambivalence sexuelle dans une récupération complaisante de la vogue actuelle de la transition de genre. Comme s’il synthétisait à lui seul tous les paradoxes de notre société, à commencer par son intolérance, en adoptant la posture victimaire qu’il affectionne. De là à en déduire que Luc Besson règle une fois de plus ses comptes, on se contentera de constater qu’il use de sa virtuosité pour sublimer la présence exceptionnelle de son interprète principal, lequel fait partie de ces comédiens dont on a l’impression qu’ils ne se trouvent véritablement à leur aise que dans l’excès. D’où, sans doute, la présence du film en compétition à la Mostra de Venise où la coupe Volpi du meilleur acteur a toutefois échappé. Sa composition est toutefois de celles qui ne peuvent laisser indifférent, c’est-à-dire subjuguer ou rebuter par son implication totale. Enfin, et c’est loin d’être un détail, Besson s’attache davantage aux signes extérieurs de détresse du personnage qu’à la fièvre qui le ronge. Plus à l’aise avec les gestes et l’action qu’avec la parole et les états d’âme (ce n’est pas pour rien qu’il a eu longtemps comme interprète de prédilection le peu volubile Jean Reno), il ne cherche jamais vraiment à dissiper les mystères qui entourent ce marginal muré en lui-même dont on peut imaginer qu’il ne se travestit que pour éviter d’avoir à affronter son propre reflet devenu son pire ennemi intime. Le message est clair.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire