Film américano-canadien de Walter Hill (2022), avec Christoph Waltz, Willem Dafoe, Rachel Brosnahan, Warren Burke, Brandon Scott, Benjamin Bratt, Luis Chávez, Hamish Linklater, Fidel Gomez, Guy Burnet, Alfredo Quiroz, Scott Peat, Diane Villegas, J. D. Garfield… 1h45. Mise en ligne sur Canal + le 30 septembre 2023.
Warren Burke, Rachel Brosnahan et Christoph Waltz
Le western est un art délicat dont de moins en moins de metteurs en scène maîtrisent encore les codes, à l’exception notable de quelques vétérans comme Clint Eastwood, Kevin Costner, Quentin Tarantino ou Walter Hill. Aujourd‘hui octogénaire, cet ex-scénariste de Sam Peckinpah (Guet-apens, 1972) et John Huston (Le piège, 1973) a déjà signé sur ce registre Le gang des frères James (1980), Geronimo (1993) et Wild Bill (1995) dans lesquels il revisitait des icônes de ce genre aujourd’hui tombé quelque peu en désuétude. Dead for a Dollar s’en démarque par son sujet même. Un joueur professionnel fraîchement sorti de prison ourdit sa vengeance contre le chasseur de primes qui l’a envoyé en prison, lui-même chargé de mettre un terme à la cavale d’une femme mariée avec son amant présumé. Hill y réunit à cette occasion deux natures : l’acteur autrichien Christoph Waltz et le toujours étonnant Willem Dafoe. L’intrigue se déroule en 1897, c’est-à-dire trente après la Guerre de Sécession et l’abolition de l’esclavage, au crépuscule de l’ère westernienne, de l’autre côté de la frontière mexicaine où un riche propriétaire terrien fait régner sa loi en toute impunité. Jusqu’au moment où plusieurs individus bien décidés à régler leurs comptes convergent dans cette zone de non-droit. Suprême affront pour le mari infortuné qui entendait exhiber son épouse comme un trophée sinon une potiche pour assouvir son ambition politique.
Willem Dafoe
Dédié au réalisateur Budd Boetticher, Dead for a Dollar arbore les signes extérieurs du western classique avec règlements de comptes exponentiels et duel final. Walter Hill s’y autorise toutefois quelques concessions à la modernité en introduisant dans ce paysage tourmenté deux hommes de couleur, une femme dont le désir de liberté préfigure les revendications des futures suffragettes et même un interprète conscient du danger qui l’entoure. Il s’ingénie en outre à brouiller les pistes en opposant aux hommes de main d’un magnat mexicain des Américains qui vivent les armes à la main et dont le destin basculera avec le siècle, pour peu qu’ils réussissent à survivre aux derniers sursauts de cet âge des ténèbres. La mise en scène ponctue son récit de panoramiques sur des paysages désertiques traversés par des cavaliers, scandés de fondus au noir. Hill décrit un monde sans pitié où ne survivent que celles et ceux qui ont la gâchette facile et un minimum de scrupules. La structure dramatique s’avère d’un classicisme éprouvé, mais il souffle sur cette histoire une certaine insolence qui semble annoncer la fin d’une époque dont les héros sont fatigués de tuer pour vivre et vice-versa. Fin connaisseur, Hill complète sa geste westernienne avec un film dépourvu de héros monolithiques qui respecte les lois immuables du genre. Il semble toutefois vouloir souligner l’inanité de cette époque dépourvue de véritable idéal qui porte cependant en elle les germes d’une civilisation revancharde que deux guerres mondiales aideront à imposer son modèle à l’Ancien Monde dont sont issus ses pionniers. Sans pour autant raccrocher les armes au nom du sacro-saint deuxième amendement de sa constitution qui affirme que « le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne doit pas être transgressé ». La loi du plus fort n’y est pourtant plus toujours la meilleure.
Jean-Philippe Guerand
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