Accéder au contenu principal

“Coup de chance” de Woody Allen



Film britannico-français de Woody Allen (2023), avec Lou de Laâge, Melvil Poupaud, Niels Schneider, Valérie Lemercier, Guillaume de Tonquédec, Elsa Zylberstein, Sara Martins, William Nadylam, Arnaud Viard, Grégory Gadebois, Yannick Choirat, Jeanne Bournaud, Anne Loiret, Philippe Uchan, Sâm Mirhosseini… 1h36. Sortie le 27 septembre 2023.



Melvil Poupaud et Lou de Laâge



Un jour, à proximité de l’étude de commissaire-priseur où elle travaille, Fanny (Lou de Laäge) croise Alain (Niels Schneider), un camarade de lycée qui lui avoue avoir toujours été amoureux d’elle. Des liens se tissent peu à peu entre eux, tandis que son mari soupçonneux (Melvil Poupaud sur un registre inquiétant qui lui a excellement réussi dans L’amour et les forêts) décide d’en avoir le cœur net… De ce point de départ qui aurait pu donner lieu à un vaudeville, Woody Allen tire un polar stylé dans la veine de Scoop et du Rêve de Cassandre. À cette nuance près qu’il signe pour la première fois un film en langue française autour du fameux triangle amoureux composé de la femme, du mari et de l’amant. Avec Valérie Lemercier en enquêtrice improvisée et Grégory Gadebois en détective privé. Un casting et une direction d’acteurs d’autant plus remarquables que Woody Allen ne pratique pas le français, mais qu’il affirme s’en être remis à son instinct, comme avait pu le faire avant lui le réalisateur iranien Abbas Kiarostami en dirigeant en français, en anglais et en italien Copie conforme (2010), puis en japonais Like Someone in Love (2012), sans pratiquer aucune de ces langues. C’est sans doute là le privilège des auteurs universels, comme l’atteste une nouvelle fois Coup de chance qui n’a vraiment pas grand-chose à envier aux œuvres anglophones du cinéaste.



Lou de Laâge et Niels Schneider



Coup de chance repose sur un tempo impeccable et une mécanique de précision où affleure le goût du cinéaste pour la belle ouvrage, sans qu’on ait pour autant jamais l’impression de voir un film américain doublé en français. Certes, ses protagonistes n’ont pas vraiment de soucis d’argent, jusqu’à cet écrivain qui jouit d’une vie de bohème plutôt cossue, mais là n’est pas l’essentiel. Le cinéaste new-yorkais le confirme en nourrissant moins son film d’un souci de réalisme que d’une France idéalisée à travers sa connaissance des grands classiques (il cite a minima ici La règle du jeu à travers la passion un peu anachronique du mari pour la chasse), de ses fréquents séjours et de ses tournages antérieurs, de Quoi de neuf, Pussycat ? à Minuit à Paris, en passant par Guerre et amour et Tout le monde dit I Love You. Son nouveau film est une friandise destinée aux gourmets. À mi-chemin entre la comédie sentimentale, le drame conjugal et l’enquête policière, une ténébreuse affaire qui se déguste comme on lit un livre d’Agatha Christie où le spectateur a toujours une longueur d’avance sur les protagonistes mais se demande en permanence comment tout cela va bien pouvoir se terminer. Désireux de montrer en permanence qu’il n’est pas dupe de son sujet, Woody Allen parsème son récit de délicieuses notes burlesques, à l’instar de ce personnage de tueur à gages qui excelle dans l’art ingrat d’escamoter les cadavres. Coup de chance reflète l’attrait du cinéaste pour le travail bien fait et une conception du divertissement à l’ancienne qui passe par un large spectre de sentiments. Bref, c’est un régal pour connaisseurs qui n’a d’autre objectif que de distraire et de captiver. Mission accomplie !

Jean-Philippe Guerand




Valérie Lemercier, Melvil Poupaud et Lou de Laâge

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract