Northern Comfort Film islando-britanno-allemand de Hafsteinn Gunnar Sigurðsson (2023), avec Timothy Spall, Emun Elliott, Ella Rumpf, Lydia Leonard, Sverrir Gudnason, Simon Manyonda, Rob Delaney… 1h37. Sortie le 9 août 2023.
L’aérophobie ou peur panique des trajets en avion est une affection si partagée que des stages ont été organisés à l’attention des victimes de cette pathologie irrationnelle que leurs activités professionnelles ou personnelles contraignent à emprunter ce moyen de transport pourtant considéré comme le moins dangereux du monde. Bien décidée à faire bonne mesure devant son nouveau compagnon qui a décidé de lui offrir un voyage de rêve, une femme d’affaire londonienne doit préalablement accomplir un vol de routine en direction de l’Islande afin de valider le stage de remise en confiance qu’elle a suivi en secret, en compagnie de plusieurs autres victimes du mal de l’air. Mais rien ne se passe comme prévu et le vol qui aurait dû être de routine tourne au cauchemar… Conçu comme une comédie, Zone(s) de turbulence ne fera sans doute rire que les passagers entièrement sereins. Les autres risquent de voir leurs peurs confortées sinon ravivées par ce portrait de groupe avec drame traité sur un registre réaliste assumé qui passe toutefois par quelques moments délirants. La structure même du film est calquée sur celle en usage dans le cinéma catastrophe, cet échantillonnage humain isolé en huis clos devant affronter non seulement sa peur panique, mais aussi des circonstances extrêmes auxquelles ne saurait être sensible un simulateur de vol. En plaçant ses protagonistes dans un environnement réel, Hafsteinn Gunnar Sigurdsson se comporte comme un chimiste qui mélange le contenu de plusieurs fioles afin d’en observer les effets immédiats, un pouvoir qui est aussi l’apanage des cinéastes dans leur toute puissance créatrice.
Timothy Spall
Zone(s) de turbulence repose sur un équilibre délicat entre le portrait d’un collectif disparate et les caractères individuels de ses protagonistes dont le seul point commun est d’avoir peur en avion, mais pas toujours pour les mêmes raisons ni dans des circonstances identiques. Ce qui commence comme une thérapie de groupe va se transformer à l’épreuve des faits en un chaos indescriptible qui prend l’allure d’une véritable épreuve de vérité sinon d’un jeu de téléréalité. Le film s’en remet à des interprètes d’où émergent trois figures principales qu’incarnent l’acteur fétiche de Mike Leigh Timothy Spall, l’actrice Lydia Leonard remarquée dans le rôle de Cherie Blair dans la huitième saison de “The Crown” et la comédienne franco-allemande Ella Rumpf, bientôt en mathématicienne dans Le théorème de Marguerite d’Anna Novion. Un euro-pudding étonnamment digeste grâce à la direction d’acteurs inspirée du cinéaste islandais Hafsteinn Gunnar Sigurðsson déjà remarqué pour Under the Tree (2017). Reste que ce film paraîtra sans doute éminemment anxiogène à tous ceux qui souffrent du mal de l’air, tant il s’ingénie à mettre le spectateur en condition avec l’efficacité et le réalisme d’un simulateur de vol. Son approche psychologique confère à Zone(s) de turbulence un réalisme autrement plus efficace que tous les films catastrophes de la saga Airport, par exemple, sans qu’il ait besoin pour cela d’une surenchère d’effets spéciaux particulièrement spectaculaires. Attachez vos ceintures ! Ce voyage-là ne s’annonce pas de tout repos.
Jean-Philippe Guerand
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