Film franco-belge de Rémi Bezançon (2023), avec Vincent Macaigne, Bouli Lanners, Bastien Ughetto, Anaïde Rozam, Aure Atika, Philippe Resimont… 1h35. Sortie le 9 août 2023.
Bouli Lanners
C’est l’histoire de deux amis inséparables. L’un est peintre, l’autre galeriste. L’artiste est velléitaire, celui qui est chargé d’exposer son œuvre doute et s’angoisse de manquer d’autorité. Jusqu’au moment où leurs destins vont basculer de concert… Certains reconnaîtront là l’argument (et le titre) d’un film argentin sorti en février 2019. Son auteur, Gastón Duprat, s’était déjà fait remarquer avec son film précédent Citoyen d’honneur (2016) qui a également fait l’objet d’un remake français signé Mohamed Hamidi, il y a moins d’un an. C’est dire combien ses scénarios traitent de valeurs universelles et se prêtent à des transpositions par leur esprit. En se frottant à son tour à cet exercice mécanique mais périlleux, l’auteur du Premier jour du reste de ta vie (2008) a trouvé matière à une comédie de mœurs comme il les affectionne, en associant deux comédiens qui ont souvent prouvé par le passé qu’ils ont un cœur gros comme ça, Vincent Macaigne et Bouli Lanners. Ce dernier pratique par ailleurs dans la vie la peinture comme un jardin secret et ajoute ainsi à son personnage le vécu précieux de l’artiste confronté au vertige de la panne d’inspiration. Son partenaire excelle quant à lui sur son registre de prédilection : la gaucherie bien tempérée, lui à qui sa fonction de marchand d’art rompu aux états d’âme de ses poulains devrait valoir une assurance à toute épreuve. La meilleure idée de ce remake est d’avoir joué sur le contraste de ces deux personnages dont on reconnaît davantage ce qui les rapproche que ce qui pourrait les opposer.
Vincent Macaigne, Bouli Lanners et Bastien Ughetto
Un coup de maître propose une réflexion passionnante sur le statut de l’artiste et son rapport au succès avec comme troisième larron un jeune homme qui va se trouver instrumentalisé par les deux compères. Avec à la clé une imposture de nature à renvoyer chacun des protagonistes à ses véritables responsabilités. On retrouve en filigrane de cette intrigue une problématique qui évoque celle du “Défunt par erreur”, une nouvelle de Dino Buzzati publiée dans son recueil “Le K”. Cette nouvelle version se révèle toutefois plus douce que l’œuvre initiale dont elle s’inspire, Rémi Bezançon s’attachant en premier lieu à l’amitié indéfectible qui lie ces deux hommes dépendants l’un de l’autre, en choisissant des comédiens d’autant plus attachants qu’ils sont dépourvus du moindre cynisme, contrairement à leurs homologues argentins. Cette comédie fraternelle tranche avec ce que ce genre a tendance à engendrer d’avatars dans le cinéma français, ne serait-ce que parce qu’elle fait appel à des natures accoutumées à fréquenter des univers très variés qui font rire davantage par leur gaucherie et leur vulnérabilité que par leur nature apparente. Des rôles en or pour des interprètes qui habitent littéralement leurs personnages et séduisent davantage par leurs failles que par leur assurance, en se livrant à un pas de deux aussi burlesque que poignant qui reflète une complicité qu’on jurerait façonnée par des années d’intimité. C’est le miracle de ce film délicieux qui trouve un écho singulier dans Bonnard, Pierre et Marthe de Martin Provost (qui sortira en janvier prochain) où Vincent Macaigne incarne cette fois le peintre. Comme si Un coup de maître l’y avait préparé.
Jean-Philippe Guerand
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