Girasoles silvestres Film hispano-français de Jaime Rosales (2022), avec Anna Castillo, Oriol Pla, Quim Ávila, Lluis Marquès, Manolo Solo, Carolina Yuste, Diana Gómez, Maria Ribera… 1h46. Sortie le 2 août 2023.
Anna Castillo
Julia élève ses deux enfants en toute insouciance à Barcelone, mais n’est elle-même pas encore tout à fait sortie de l’adolescence. Guidée par son instinct, elle en direction du soleil et retrouve deux hommes qui vont devoir assortir leur statut de compagnon d’un rôle de père par procuration auquel ils n’ont pas nécessairement été préparés. Avec cette difficulté qui consiste pour elle à assumer ses responsabilités maternelles, tout en s’accordant la chance de s’épanouir en tant que femme, mais sans pour autant se laisser submerger par une dépendance qui risquerait de devenir toxique. En assimilant la spontanéité de son héroïne à cette fleur qui a la particularité de suivre la course du soleil, Les tournesols sauvages esquisse un portrait de femme d’une grande modernité. Il faut dire que le film est indissociable de son actrice principale omniprésente, Anna Castillo, qu’il suit pas à pas comme si elle en était l’astre. Jaime Rosales dit s’être inspiré d’un reportage photographique publié dans un magazine français. Ce réalisateur catalan quinquagénaire connu jusqu’ici pour des films tels que Les heures du jour (2003), La Soledad (2007) et La belle jeunesse (2014) s’est fait une solide réputation à travers des portraits de femmes qui s’appuient sur une conception expérimentale du cinéma. Cette dernière s’exprime ici à travers le regard que porte le personnage principal sur son entourage. Quels que soient les liens que tisse Julia avec ceux qu’elle croit être les hommes de sa vie, ils restent moins importants à ses yeux que la chair de sa chair. Julia est en quelque sorte l’antithèse parfaite d’Emma Bovary, mais aussi une sorte d’archétype à l’époque de Metoo et de la confusion des genres.
Oriol Pla et Anna Castillo
Jaime Rosales a écrit le scénario des Tournesols sauvages avec Bárbara Díez, sa productrice de longue date qui fut aussi sa monteuse. Il a par ailleurs choisi d’en confier l’image à la cheffe opératrice française Hélène Louvart, réputée pour sa collaboration suivie avec les plus grands auteurs internationaux, laquelle avait déjà éclairé son film précédent, Petra (2018). Sa contribution apporte esthétiquement une grande douceur à ce film dépourvu de bruit et de fureur qui touche au cœur même de la condition humaine, à travers le portrait d’une femme qui s’en remet volontiers à son libre-arbitre, à l’image d’un oiseau qui refuserait qu’on le mette en cage pour voler de ses propres ailes. Il convient de saluer ici tout ce qu’Anna Castillo apporte à cette histoire. Révélée par Icíar Bollaín dans L’olivier qui lui a valu le Goya 2018 du meilleur espoir féminin, cette comédienne s’affirme en dévorant l’écran de sa présence et habite son personnage avec une intensité à la démesure de la charge mentale que subit son personnage, à la fois en tant que mère, qu’amoureuse et qu’élève-infirmière en devenir. Elle y esquisse en outre les contours d’un lumineux objet du désir qui ne demande plus désormais qu’à inspirer les cinéastes soucieux de coller au nouveau désordre amoureux de notre époque de grande confusion. Sa prestation magistrale ne peut que les convaincre de l’étendue vertigineuse de sa palette dramatique, tant elle se déploie sur un registre minimaliste où les gestes et les regards comptent au moins autant que les mots et où sourd en permanence une tension impalpable, le plus souvent hors-champ.
Jean-Philippe Guerand
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