Film franco-suisse de Frédéric Mermoud (2023), avec Suzanne Jouannet, Marie Colomb, Maud Wyler, Marilyne Canto, Lorenzo Lefebvre, Cyril Metzger, Alexandre Desrousseaux, Antoine Chappey, Matthieu Rozé, Anne Loiret, Thomas Snégaroff, Vincent Winterhalter… 1h47. Sortie le 9 août 2023.
Suzanne Jouannet et Marie Colomb
Le cinéma n’en aura décidément jamais terminé avec le système éducatif comme machine à façonner les élites en séparant le bon grain supposé de l’ivraie présumée. Une fille d’agriculteurs poussée par ses enseignants à exploiter ses capacités décide de se battre pour intégrer Polytechnique et briser la fatalité qui semble peser sur sa famille, en sortant du lot. Une épreuve de vérité, dans la mesure où elle se trouve confrontée au poids de la reproduction sociale dans un univers impitoyable qui brise les vocations davantage qu’il ne semble véritablement les encourager. Le réalisateur suisse Frédéric Mermoud décrit sans concessions cette fabrique des esprits qui pérennise des méthodes d’un autre âge et perpétue des pratiques humiliantes et parfois vexatoires en soumettant les étudiants à une discipline de fer dont l’objectif consiste à sélectionner les plus vaillants, mais aussi par extension les plus aptes à se soumettre à un système. Avec cette discipline stricte qu’implique l’excellence. La voie royale s’attache au conditionnement de ces jeunes gens appelés à naviguer dans les plus hautes sphères de l’État, quitte à sacrifier beaucoup pour obtenir encore plus. Un constat implacable vu à travers le parcours de ces élèves des classes préparatoires soumis à rude épreuve et départagé non pas sur leurs connaissances, mais sur leur capacité à résister à la pression et à se soumettre au système. Un pacte avec le diable qui ne dit jamais tout à fait son nom.
Maud Wyler
Comme Grave (2016) de Julia Ducournau et Première année (2018) de Thomas Lilti, La voie royale met en évidence le fonctionnement d’un système qui broie, humilie et malmène pour mieux former de nouvelles générations de bons petits soldats corvéables à merci. Un univers régi par une endogamie qui exclut davantage qu’elle n’assimile. Avec à la clé l’illusion de la réussite assortie d’une soumission de l’individu à un collectif au fond moins propice à l’épanouissement qu’à l’embrigadement. Cette fille de la campagne qui se frotte à un monde impitoyable est campée par Suzanne Jouannet avec juste ce qu’il faut d’innocence et de détermination pour souligner sa position inconfortable d’intruse dans un monde trop codifié pour être tout à fait bienveillant. Avec comme but ultime une place au soleil de la méritocratie. Un thème dans l’air du temps qui a également inspiré à Anna Novion son troisième long métrage, Le théorème de Marguerite, à l’affiche en novembre prochain, dans lequel une étudiante en mathématiques surdouée se trouve confrontée à une crise de foi vis à vis d‘un don qui lui échappe et l’empêche de s’épanouir. Un phénomène de société que Frédéric Mermoud confronte au poids de la méritocratie et qui rejoint des préoccupations très actuelles, à travers les différents protagonistes de son film parmi lesquels son héroïne apparaît comme une sorte de cas d’école (c’est le cas de le dire !) et tranche avec ses camarades par son parcours atypique et le sentiment de ne pas être tout à fait à sa place qui la ronge. Il n’est pas donné à n’importe qui d’avoir la détermination d’un Rastignac.
Jean-Philippe Guerand
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