Alam Film palestino-franco-tuniso-saoudo-qatari de Firas Khoury (2022), avec Mahmood Bakri, Sereen Khass, Mohammad Karaki, Muhammad Abed Elrahman, Ahmad Zaghmouri, Saleh Bakri… 1h40. Sortie le 30 août 2023.
Mahmood Bakri et Sereen Khass
Un lycéen de la communauté palestinienne installé en Israël se trouve rattrapé par ses origines le jour où une nouvelle venue le persuade de participer à un raid destiné à substituer au drapeau de l’État hébreu celui de son peuple, à l’occasion de la fête de l’indépendance israélienne considérée par les Palestiniens comme un jour de deuil. La singularité du premier film de Firas Khoury consiste à mettre les conventions du cinéma de teenagers au service d’un véritable message politique qui prend l’allure d’une authentique quête identitaire. Le personnage principal s’inspire en ligne directe de l’adolescent qu’il a été : pas particulièrement engagé dans la cause de son peuple et plus soucieux de séduire une jolie fille (Sereen Khass) que d’affirmer son identité à un âge où des préoccupations plus prosaïques le titillent. C’est pourtant ces représentants de la quatrième génération palestinienne depuis la création de l’État d’Israël qui portent l’espoir de la libération hypothétique de leur patrie de déracinés, selon le réalisateur. Il choisit à dessein un jeune homme plutôt insouciant avec son catogan et ses chemises blanches (Mahmood Bakri) qui se trouve rappelé à son devoir de mémoire, alors même qu’il partage la vie des jeunes gens de son âge, en affichant une tolérance beaucoup plus accentuée que ses aînés, sur le mode “Faites l’amour, pas la guerre”. Elias Khoury exprime le point de vue des colonisés, là où comme on le sait ce sont toujours les vainqueurs auxquels revient l’honneur d’écrire l’histoire, quitte à l’interpréter dans un sens qui leur est favorable. Avec ici à ses côtés comme éveilleuse de conscience une jeune fille déterminée qui défend non seulement son identité palestinienne, mais se bat pour s’imposer en tant que femme au sein d’une société archaïque où les hommes ne leur laissent encore qu’une étroite marge de manœuvre.
Ce film tourné en Tunisie (où vit le réalisateur) et financé en partie par les pays du Golfe est moins vindicatif que polémique. Il s’attache juste à aborder la question palestinienne d’un point de vue rarement montré, en soulignant que l’identité est d’abord un problème humain universel et pas seulement une question politique. Il insiste ainsi à dessein sur cette date ô combien symbolique que les Palestiniens célèbrent quelques jours seulement après la commémoration de l’indépendance de l’État d’Israêl promulguée en 1948 : la “Nakba” (littéralement “catastrophe”) qui a vu l’expulsion des autochtones au profit des colons, en transformant de fait quatre cinquièmes d’entre eux en réfugiés. Pour avoir vécu lui-même dans un village victime d’un nettoyage ethnique, Firas Khoury entend confronter la version palestinienne de cette tragédie avec l’histoire officielle, ce qui n’est évidemment pas du goût de tout le monde. Un parti pris légitime mais contestable qui lui a valu de passer plus d’une décennie à faire aboutir ce projet qui revêt pourtant un aspect romanesque aussi séduisant que ses deux protagonistes. Des enfants de la mondialisation issus d’une génération dotée d’une conscience politique à géométrie variable qui reflète une quête identitaire épidermique dont le drapeau est le plus petit commun dénominateur, tant il concentre de fantasmes et de frustrations pour ceux qui s’accrochent à l’utopie d’un État palestinien, au moment où Israël traverse l’une des crises les plus douloureuses de son histoire, sous l’effet des nationalistes les plus extrémistes. Reste qu’il convient de juger Alam, le drapeau pour ses qualités proprement cinématographiques, et celles-ci sont indéniables.
Jean-Philippe Guerand
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