Film américain de Kristin Gore et Damian Kulash (2023), avec Zach Galifianakis, Elizabeth Banks, Sarah Snook, Geraldine Viswanathan, Kurt Yaeger, Rowan Delana Howard, Sweta Keswani, Mariana Novak, Jason Burkey, Madison Johnson, Carl Clemons-Hopkins, Julia Farino, Ajay Friese, Delaney Quinn… 1h50. Mise en ligne sur Apple TV+ le 28 juillet 2023.
Zach Galifianakis et Geraldine Viswanathan
Dès ses origines le cinéma hollywoodien a servi de vitrine à l’American Way of Life et exalté ses vertus cardinales, avec en corollaire une exaltation de la réussite sociale et de l’esprit d’entreprise qui a démontré qu’elle pouvait en outre faire recette en donnant du grain à moudre au capitalisme comme existentialisme. D’où la vague récente de films consacrés à des marques parmi lesquels Le fondateur (2016) de John Lee Hancock (diffusé sur Netflix), qui évoquait l’irrésistible montée en puissance de l’empire McDonald’s, et Air (2023) de Ben Affleck (en ligne sur Prime Video) consacré à l’opération séduction lancée par l’équipementier Nike afin de convaincre le basketteur Michael Jordan de disposer de sa propre ligne de chaussures. Les marques sont désormais en train de se faire une place inattendue au soleil d’Hollywood et sur les sites de streaming. The Beanie Bubble a la particularité de revenir sur la folie des animaux en peluche qui a gagné les États-Unis dans les années 80, à travers trois femmes qui ont joué un rôle déterminant dans la réussite de son entrepreneur. En coulisse, on y reconnaît l’efficacité légendaire du tandem de producteurs formé par Brian Grazer et le réalisateur Ron Howard qui a souvent fait ses preuves par le passé et perpétue un savoir-faire et un sens du spectacle tout entier tournés en direction du public. La meilleure idée du film consiste à confier le rôle de son capitaine d’entreprise resté un grand enfant immature à un acteur dans un contre-emploi radical, Zach Galifianakis, indissociable de Very Bad Trip et de tant d’autres comédies régressives. Au passage, on découvre que dépourvu de sa célèbre barbe, il arbore en fait de faux airs de… Christian Clavier en yuppie dans Je vais craquer (1980) de François Leterrier.
Elizabeth Banks et Zach Galifianakis
La particularité de ces animaux en peluche aux couleurs psychédéliques est d’être personnalisables. Non seulement chacune d’entre elles possède son identité propre, mais les enfants sont encouragés à se les approprier et à rendre ainsi leurs doudous uniques. Une aubaine en ce milieu des années 90 où Internet commence à balbutier et contribue à généraliser une sorte de café du commerce mondial où les consommateurs sont invités à s’exprimer et vont établir un lien très fort avec l’industriel qui sort ainsi de son anonymat et mise sur l’écoute pour répondre aux demandes de ses clients via des serveurs de messagerie instantanée, avant même la naissance des réseaux sociaux proprement dits. C’est par une utilisation novatrice de son site Web à une époque où Internet n’en était qu’à ses balbutiements et en engendrant une collectionnite aiguë que ces jouets vont faire la fortune de leur créateur épaulé par ses bonnes fées. Au-delà de cette folle épopée entrepreneuriale, The Beanie Bubble dépeint avec une grande justesse un monde confronté à de nouveaux moyens de communication où l’insouciance est encore de rigueur et où le fantasme du Self Made Man si cher à l’Amérique triomphante est devenu le maître mot de l’Amérique décomplexée de Ronald Reagan. L’odyssée de Ty Warner apparaît comme exemplaire par son refus des pratiques commerciales alors en usage, notamment en s’insinuant dans le fameux Happy Meal de McDonald’s plutôt que dans les rayons de la chaîne Toys’R’Us. Avec à la clé un sens du marketing qui fera école par son audace, mais finira par céder sous les assauts d’une nouvelle mode au tournant du millénaire.
Jean-Philippe Guerand
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