Ademoka’s Education Film kazakho-français d’Adilkhan Yerzhanov (2022), avec Adema Yerzhanova, Daniyar Alshinov, Assel Sadvakassova, Bolat Kalymbetov, Sanjar Madi… 1h29. Sortie le 12 juillet 2023.
Adema Yerzhanova
Issue d’une communauté marginale de tsiganes d’Asie centrale, les Lyuli, Ademoka est promise à la mendicité, alors qu’elle rêve d’étudier pour pouvoir échapper à sa condition. Jusqu’au moment où elle croise la route d’un écrivain déchu qui vient lui-même d’être renvoyé de l’école dans laquelle il enseignait. Cette rencontre en évoque d’autres dont celle du fameux Pygmalion de George Bernard Shaw qui a lui-même inspiré à l’écran la comédie musicale My Fair Lady (1964) de George Cukor voire un autre succès britannique de la scène et de l’écran : L’éducation de Rita (1983) de Willy Russell filmé par Lewis Gilbert. Sa saveur naît pour une bonne part du contraste qui sépare ses deux protagonistes et va en fait les rapprocher. Des personnages pittoresques qui prêtent le flanc aux préjugés. Ademoka cultive ainsi un look improbable avec ses cheveux oranges sous son bob couleur canari, tandis que son mentor ressemble davantage à un vagabond qu’à l’image qu’on peut se faire d’un professeur avec son survêtement et sa casquette. Adilkhan Yerzhanov habille le film social d’une facture résolument burlesque qui joue de la stylisation, dans l’esprit pince-sans-rire du Français Jacques Tati, du Finlandais Aki Kaurismäki et du Suédois Roy Andersson.
Daniyar Alshinov et Adema Yerzhanova
L’éducation d‘Ademoka peut également se décrypter comme un éloge vibrant de la culture en tant qu’accélérateur d’ascension sociale dans un pays qui se garde bien de traiter l’ensemble de ses citoyens sur un pied d’égalité, en appliquant une discrimination d’État. En jetant son dévolu sur cette jeune fille en qui il a perçu un talent en devenir, le professeur Akha contribue non seulement à l’encourager, mais à combattre l’ostracisme du système. Avec en ligne de mire un éloge de la connaissance comme une panacée universelle contre la barbarie et l’obscurantisme. Le charme du film doit beaucoup à la personnalité de ses protagonistes et à l’abattage de ses interprètes qui nous entraînent dans leur sillage et confèrent à cette comédie souvent désopilante une force de vie peu commune. C’est aussi un conte moral qui distille des idées fondamentales sous une fausse insouciance en dressant un vibrant éloge du savoir et de l’instruction dans le plus improbable des décors : celui d’un pays où tout peut arriver, y compris qu’on fasse passer les examens aux élèves installés derrière des pupitres disposés en plein air. Yerzhanov n’est décidément pas un cinéaste comme les autres. Ne serait-ce que parce qu’il tourne au rythme de deux films par an et excelle dans l’art subtil du mélange des genres. Toujours avec une salubre pointe d’humour.
Jean-Philippe Guerand
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