Film français d’Hugo P. Thomas (2023), avec Ewan Bourdelles, Noah Zandouche, Alaïs Bertrand, Vanessa Paradis, Clara Machado, Aurélien Moulin, Marie Salvetat, Franck Ropers, Marielle Gautier, Florian Fresquet, Julien Beats… 1h35. Sortie le 26 juillet 2023.
Noah Zandouche et Ewan Bourdelles
Le cinéma adolescent a longtemps été l’apanage d’Hollywood, notamment dans les années 80 et 90 sous la houlette de son maître incontesté, John Hugues (1950-2009), à travers une poignée de films cultes comme Breakfast Club (1985) et La folle journée de Ferris Bueller (1986). Un genre qui a dégénéré par la suite en prenant pour nouveaux héros des adulescents en phase de régression, comme dans Very Bad Trip (2009). Simultanément, le cinéma français est passé quant à lui beaucoup plus sagement de La boum (1980) de Claude Pinoteau aux Beaux gosses (2009) de Riad Sattouf, en sacrifiant systématiquement cette réalité sociologique que constitue la France dite profonde, qui affleurait dans les premiers opus de Pascal Thomas, au profit d’un parisianisme qui poussait parfois jusqu’à la banlieue. Ironie du sort, c’est un autre Thomas, prénommé quant à lui Hugo et âgé de 33 ans, qui rompt heureusement avec cette fatalité dans Juniors en s’attachant à deux copains qui trouvent le temps long dans leur village dépourvu d’animation. Jusqu’au moment où leur meilleure amie, Jessica, vient à rendre l’âme… Façon de parler puisque c’est le surnom fantasmatique de la console de jeux qui les relie au monde extérieur. L’un d’eux décide donc d’invoquer un mal mystérieux pour monter la cagnotte participative qui leur permettra de s’offrir une nouvelle machine au-dessus de leurs moyens. Tant et si bien que leur collège devient malgré eux la chambre d’écho d’un mensonge qui l’incite à adopter la boule à zéro et va entraîner une succession de catastrophes en chaîne. Hugo Thomas renouvelle le genre en l’inscrivant dans un cadre auquel le cinéma ne nous a pas vraiment habitués, sinon peut-être dans les diverses adaptations de La guerre des boutons. Une France rurale où les enfants ne profitent qu’assez peu de leur environnement bucolique et où leur communication avec le monde extérieur passe par le Web et des réseaux sociaux devenus la nouvelle agora.
Noah Zandouche et Ewan Bourdelles
La particularité de Juniors est de s’inscrire dans un contexte réaliste parmi des collégiens qui ne méritent même pas d’être qualifiés de geeks, tant leur rapport avec leur console s’avère fonctionnel mais essentiel. Le coréalisateur du film collectif Willy 1er s’aventure dans ce que les opérateurs de téléphonie qualifient de zone blanche : un espace à l’écart du monde médiatisé où tout ne peut pas arriver mais où les réflexes primaires ne demandent qu’à se manifester. En filigrane de cette comédie générationnelle affleure un phénomène qui a fait bouger les lignes : l’implosion de la cellule familiale avec les conséquences qu’elle a entraînées. L’occasion pour Vanessa Paradis de camper un personnage touchant qu’un conseil de discipline confronte à ses responsabilités de mère. Tout l’intérêt de ce film faussement insouciant repose sur sa capacité à passer au crible des réflexes primaires, à commencer par ce fameux instinct grégaire qui provoque tant de dégâts et confronte les jeunes gens à des situations que l’âge adulte ne fera que démultiplier et banaliser. Juniors est en fait un film beaucoup moins artificiel qu’il ne pourrait y paraître de prime abord par son sous-texte pétri de plus ou moins bonnes intentions. Parce que le scénario y traite ses protagonistes avec considération, sans jamais se moquer de leur maladresse ou de leur candeur qui lui inspirent au contraire une empathie dénuée de mièvrerie qui compte pour beaucoup dans le plaisir simple qu’on prend au spectacle de cette comédie d’apprentissage peuplée de jeunes interprètes tous très justes.
Jean-Philippe Guerand
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