They Cloned Tyrone Film américain de Juel Taylor (2023), avec John Boyega, Jamie Foxx, Teyonah Parris, Kiefer Sutherland, David Alan Grier, J. Alphonse Nicholson, Joshua Mikel, Tamberla Perry, Charity Jordan, Megan Sousa, James Moses Black, Saif Mohsen, Austin Freeman… 2h02. Mise en ligne sur Netflix le 21 juillet 2023.
John Boyega, Teyonah Parris et Jamie Foxx
Le cadre, on le connaît : c’est celui d’une bourgade américaine lambda baptisée Glen où les vestiges du passé semblent en harmonie avec une vie quotidienne où tout change mais où rien ne change véritablement. Entre le fast-food, le salon de coiffure, la discothèque et les offices religieux, vont et viennent des citoyens aux coupes afro qui semblent toujours avoir été là et des glandeurs qui zonent sans attendre davantage de l’avenir que de ne pas succomber à une balle perdue. Même si l’un d’eux s’acharne à gratter inlassablement des tickets de jeu pour faire apparaître le mot “perdu” qui résonne comme un constat d’aveu existentiel sans appel. Jusqu’au jour où cette grisaille ambiante est perturbée par une série de faits étranges qui mettent la puce à l’oreille d’une péripatéticienne nourrie par les enquêtes de Nancy Drew et de ses deux chevaliers-servants façon Pieds Nickelés. Avec à la clé la découverte d’un monde souterrain qui épie les moindres faits et gestes de cette communauté devenue une sorte de microcosme sociologique malgré elle. Ils ont cloné Tyrone s’inscrit dans la lignée de ces films récents qui se sont attachés à décrire une Amérique nostalgique de l’ère esclavagiste antérieure à la guerre de Sécession pour montrer les résurgences sinon la récurrence de la domination des Blancs sur les Noirs, à l’instar des œuvres de Barry Jenkins (Moonlight, 2016, et Si Beale Street pouvait parler, 2018) et de Jordan Peele (Get Out, 2017, et Us, 2019). Le film de Juel Taylor adopte une facture plus ludique, mais ne fait qu’enfoncer le clou en s’aventurant jusqu’à la science-fiction.
Kiefer Sutherland
Ils ont cloné Tyrone se présente comme une comédie plutôt alerte, mais délivre un message tout ce qu’il y a de plus sérieux en montrant des citoyens de couleur renvoyés à reproduire les pires clichés de la Blaxploitation, en s’interdisant de progresser dans l’échelle sociale par leur fascination pour le sexe et la violence. Et c’est là où le propos du film s’avère passionnant, quand il se met à imaginer que cette attitude coupable n’est en fait que la conséquence du conditionnement d’une communauté toute entière condamnée à perpétuer indéfiniment ces mêmes comportements iniques et puérils qui l’empêchent d’échapper à son destin chagrin. Sous les dehors de la comédie se dissimule en fait une critique acerbe du poids de l’inné et de l’acquis, quand l’un de ces deux paramètres vient à se trouver délibérément entravé. Comme le souligne clairement son titre, ce film réjouissant imagine un monde parallèle créé dans le laboratoire clandestin d’un complotisme des suprématistes blancs qui s’acharne à arrêter le temps dans le but d’entraver l’évolution naturelle de la communauté noire en la forçant malgré elle à répéter ses erreurs, donc à croupir dans la misère. Une thèse délirante qui confère à cette comédie fantastique l’allure d’une parabole prémonitoire sur l’Amérique d’aujourd’hui et ce trumpisme menaçant qui sert d’exutoire populiste aux laissés-pour-compte, platistes et autres antivax opposés au progrès et aux fondements mêmes de la démocratie. Ils ont cloné Tyrone s’appuie sur des évidences pour nous mettre en garde contre le retour à l’obscurantisme qui semble peu à peu s’abattre sur notre monde. Mieux vaut en rire…
Jean-Philippe Guerand
John Boyega, Teyonah Parris et Jamie Foxx
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