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“Marinette” de Virginie Verrier



Film français de Virginie Verrier (2023), avec Garance Marillier, Émilie Dequenne, Fred Testot, Sylvie Testud, Alban Lenoir, Caroline Proust, June Benard, Franck Andrieux, Anna Bullard… 1h35. Sortie le 7 juin 2023.



Garance Marillier, Sylvie Testud

Fred Testot et Émilie Dequenne



Le biopic est un genre attrape-tout qui répond à certaines règles, tout en laissant une vaste latitude à ceux qui s’y aventurent. Le cas de la footballeuse Marinette Pichon concentre à lui seul plusieurs caractéristiques de nature à attirer l’attention. D’abord, cette championne est issue d’un milieu populaire où son père alcoolique tyrannisait sa famille et notamment sa mère qui l’en a protégé de toutes ses forces. Ensuite, elle a été la première footballeuse française à accéder à une notoriété internationale et à un statut professionnel qui lui ont valu d’être considérée comme une pionnière. Enfin, elle a assumé son homosexualité publiquement à une époque où la société française revendiquait un conformisme parfois rétrograde en matière de mœurs. Le football féminin n’a jusqu’ici été évoqué à l’écran que dans un film victime d’un échec commercial très injuste : Comme des garçons (2018) dans lequel Julien Hallard retraçait la glorieuse épopée de l’équipe de Reims créée à la fin des années 60. Marinette adopte une posture très différente en se concentrant sur un sport en devenir dont l’ambassadrice malgré elle revendique une liberté et une indépendance qui vont s’avérer déterminantes à la fois pour la cause de son sport et celle des femmes de sa génération à un moment clé de leur combat. C’est ce qu’a compris la réalisatrice Virginie Verrier en confiant le rôle principal de son deuxième long métrage (après À deux heures de Paris, en 2018) à Garance Marillier, associée essentiellement jusqu’alors au rôle principal de Titane, la Palme d’or de Julia Ducournau.



Émilie Dequenne et Garance Marillier



Tiré de l’autobiographie “Ne jamais rien lâcher” (First, 2018), Marinette joue sur de multiples niveaux de lecture en dépeignant un coup de foudre pour un sport, contrarié moins par les préjugés en vigueur dans le monde machiste du football que par l’emprise délétère de son père (formidablement campé par Fred Testot) sur sa mère (Émilie Dequenne dans un rôle comme elle les affectionne) et ses efforts pour préserver les siens de ce tyran domestique. Garance Marillier en tient le rôle-titre avec une détermination butée et une économie de mots qui n’ont rien à envier à celles de son personnage. Le fait qu’elle soit encore peu marquée par ses apparitions à l’écran constitue en outre un atout maître en faveur de cette championne plus connue pour ses lobs et son implication dans la cause homosexuelle que par ses déclarations publiques. C’est en cela que ce film édifiant trouve son équilibre et qu’il n’est pas nécessaire d’être passionné de ballon rond pour apprécier son propos d’une étonnante modernité qui renvoie en fait dos à dos deux France irréconciliables en opposant la modernité à la tradition, mais sans jamais mépriser l’une au profit de l’autre. Ne serait-ce que parce qu’il s’agit de l’itinéraire atypique parcouru par Marinette Pichon à une époque où aucune de ses étapes ne semblait évidente à franchir pour celle qui est devenue en octobre 2012 la deuxième homosexuelle française à obtenir un congé de paternité. Cette femme est décidément une pionnière à tous égards dont ce film cerne habilement les moindres facettes.

Jean-Philippe Guerand







Garance Marillier (au centre)

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