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“Low-Tech” d’Adrien Bellay



Documentaire français d’Adrien Bellay (2022) 1h33. Sortie le 7 juin 2023.



Adrien Bellay



Nombreux sont les documentaires qui alertent sur la situation écologique et préconisent des solutions frappées le plus souvent au coin du bon sens. Il y a un mois et demi seulement, Manon Turina et François Marques se penchaient dans La belle ville sur les perspectives ouvertes par l’habitat du futur. Avec Low-Tech, Adrien Bellay se positionne quant à lui dans la lignée résolument positive du plus gros succès dans ce domaine : Demain (2015) de Mélanie Laurent et Cyril Dion, en passant en revue les perspectives ouvertes par de multiples alternatives à l’obsolescence programmée développées par des individus soucieux d’enrayer une fatalité économique qui n’en est plus une. Le réalisateur adopte la posture bien connue du profane (qu’il n’est évidemment pas, mais qui favorise l’identification du spectateur) pour nous introduire dans ce monde inconnu, pour ne pas dire parallèle, où des petites mains s’activent dans des ateliers pour prolonger la vie des accessoires de notre quotidien, mais aussi afin de concevoir d’autres machines en lieu et place de celles que met à notre disposition le lobby industriel en nous contraignant à nous comporter en consommateurs soumis plutôt qu’en citoyens responsables et raisonnables. Sous nos yeux, apparaît un autre monde dans lequel chacun peut reprendre la maîtrise de ses outils de production en enrayant la spirale de la surconsommation.





Comme le souligne le sous-titre du film, Les bâtisseurs du monde d’après, les Géo Trouvetout que nous invite à rencontrer Low-Tech sont des agriculteurs, des ingénieurs et des entrepreneurs bien décidés à reprendre le contrôle des moyens de production au moyen de ce qu’on a coutume de qualifier de basses technologies, notamment dans le domaine crucial de l’autonomie énergétique. L’un d’eux fabrique même des voitures dont la production pourrait se développer à travers un réseau de micro-usines itinérantes pour mieux s’adapter aux besoins locaux. Tous ont traversé une crise de conscience qui les a incités à mettre leurs compétences au service d’un système qu’ils ambitionnent d’améliorer en se conformant aux nécessités de l’urgence écologique et aussi à une éthique plus responsable. Le film souligne également à quel point les fabricants s’efforcent de rendre irréparables les appareils domestiques les plus ordinaires, ne serait-ce qu’en empêchant n’importe quel quidam de les démonter, en prenant soin d’y insérer un pas de vis inaccessible aux outils vendus dans le commerce traditionnel. La vertu de ces bricoleurs qui ambitionnent de bâtir un monde nouveau se heurte toutefois à un obstacle majeur : le système économique qui a fondé sa prospérité sur la toute-puissance du capitalisme. Ce film débordant d’idées passionnantes se présente comme un laboratoire à ciel ouvert et esquisse les contours d’un monde meilleur où l’homme reprendrait enfin les commandes qu’on lui a confisquées en rendant un sens à sa vie.

Jean-Philippe Guerand







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