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“Le vrai du faux” d’Armel Hostiou



Documentaire français d’Armel Hostiou (2020), avec Armel Hostiou, Cromix, Onana Genda Cristo, Peter Shotsha Olela, Sarah Ndele… 1h22. Sortie le 7 juin 2023.





En surfant sur Facebook, Armel Hostiou découvre qu’il possède un homonyme dont le profil arbore son propre visage et qui n’a pour “amis” que des femmes africaines originaires de la République démocratique du Congo, visiblement attirées par des propositions de casting. L’hébergeur refusant de fermer ce compte encombrant, le réalisateur décide donc de partir pour l’Afrique afin de reprendre possession de son identité et de démasquer ce mystérieux usurpateur terré quelque part derrière un écran de “Kins” (Kinshasa), mégapole exponentielle de dix-huit millions d’habitants. Sur place, il s’installe dans une cité conviviale dont les hôtes lui proposent de l’aider à mener son enquête. Mais la réalité va s’avérer plus surprenante que la plus folle des fictions en pointant du doigt l’une des réactions en chaîne engendrées par la mondialisation et la prolifération des réseaux sociaux. Le vrai du faux illustre cette nouvelle tendance du documentaire qu’on qualifie à juste titre de cinéma du réel, tant il s’inscrit dans un monde en mouvement et contraint son réalisateur à s’y impliquer aussi en tant que protagoniste, sans que celui-ci puisse toutefois présager en l’entreprenant de la tournure que prendront les événements et même s’il réussira à parvenir au terme de sa quête. Le vrai du faux adopte la forme d’une véritable enquête policière au cours de laquelle le réalisateur tente d’identifier puis de confondre son double si encombrant. En filigrane, le film met en évidence l’existence d’un monde alternatif où s’est développée une nouvelle forme de délinquance en toute impunité que Dominik Moll évoquait déjà dans l’un des sketches de son adaptation du livre de Colin Niel Seules les bêtes (2019).





Le vrai du faux est une franche réussite qui s’appuie sur un cas particulier pour mettre à jour un phénomène d’une ampleur considérable dont se sont emparés les déshérités des pays émergents pour gagner de quoi survivre. La puissance du film réside dans le fait que le premier réflexe qui nous vient à l’esprit à l’issue de la projection est d’interroger les réseaux sociaux sur l’existence potentielle d’homonymes non identifiés. Quelque part entre le clone et le virus… Ce point de départ est en fait l’occasion d’entrebâiller la porte d’un monde inconnu qui aurait sans doute passionné Franz Kafka. Armel Hostiou tient son rôle de candide sans jamais jouer au plus malin et intègre au fur et à mesurer ses réactions au dévoilement de cette vérité alternative qui l’atteint au plus profond de lui-même, donnant à cette affaire d’usurpation d’identité une profondeur psychologique vertigineuse qui n’a pas grand-chose à envier à Plein soleil (1960) de René Clément ou Profession : reporter (1975) de Michelangelo Antonioni. En contrepoint, ce film constitue aussi une immersion passionnante dans une Afrique contrainte de survivre pour ne pas émigrer, en mettant à profit les seules ressources à sa disposition dont les colonisateurs successifs ne les ont pas dépossédés. Aucune fiction ne serait parvenue à montrer ces enjeux avec une telle vérité. La personnalité du réalisateur y est pour beaucoup qui se montre conciliant et cherche juste à démêler l’écheveau de cette magouille filandreuse dont les victimes ont été victimes de leur candeur, mais aussi de cette soif de célébrité exacerbée par les réseaux sociaux. Vanité, vanité, tout n’est que vanité !

Jean-Philippe Guerand







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