Film français de Jeanne Aslan et Paul Saintillan (2023), avec Céleste Brunnquell, Quentin Dolmaire, Ilan Schermann, Romane Bertrand, Megan Northam, Cloe Mons, François Négret, Shirel Nataf, Igor Kovalsky, Catherine Giron, Lily Aubry, Elsa Pasquier, Laurent Poitrenaux… 1h48. Sortie le 14 juin 2023.
Céleste Brunnquell et Quentin Dolmaire
Nancy, l’été. Coincée dans son HLM exigu parmi une famille toxique qui parle fort et l’empêche de s’isoler quand elle en aurait le plus besoin, Fifi croise une amie perdue de vue à qui elle dérobe à son insu les clés de la maison familiale de centre-ville que celle-ci s’apprête à quitter pour les vacances avec ses parents et entreprend de venir s’y réfugier en cachette. Comme pour s’immerger dans un cadre qui lui semble inaccessible. Jusqu’au moment où débarque le fils aîné, un éternel étudiant aussi cool qu’accueillant qui ne s’étonne même pas de la trouver dans les lieux… Au même titre que Chien de la casse il y a quelques mois, Fifi renoue avec une tradition solidement ancrée au sein du cinéma français, celle du nouveau naturel lui-même irrigué par la Nouvelle Vague au début des années 70. Un cinéma d’observation qui donne la primauté aux mots sur les actes et se nourrit des composantes de l’étude de caractères. En l’occurrence, on pourrait tout aussi bien qualifier de comédie de mœurs ou de chronique adolescente le premier film de Jeanne Aslan et Paul Saintillan par la subtilité avec laquelle il dresse le portrait de ses deux protagonistes principaux : cette jeune fille de milieu modeste qui n’aspire qu’au calme et à la tranquillité dans un espace vital à elle et ce grand dadais maladroit qui semble avoir davantage à partager avec elle qu’avec ce monde des adultes où il tarde volontairement à trouver sa place et à reproduire un modèle qui ne lui correspond pas. Comme s’il appréhendait de devoir sacrifier définitivement pour cela son insouciance et ses convictions.
Céleste Brunnquell
Fifi se révèle indissociable de deux interprètes qui ne font qu’un avec leurs personnages. Découverte enfant dans Les éblouis de Sarah Suco, Céleste Brunnquell transporte avec elle cette timidité qu’éprouvent parfois les jeunes gens d’origine modeste par rapport à ce monde des nantis qui les impressionne et leur donne parfois l’impression d’être des passagers clandestins. Son personnage véhicule en outre avec lui sa bonne éducation et une certaine timidité naturelle qui ne l’empêchent pas pour autant de manifester une certaine lucidité vis-à-vis des règles imposées par l’ordre social. À cette maturité qui va de pair avec une responsabilisation prématurée, s’oppose le caractère de ce jeune adulte malgré lui auquel Quentin Dolmaire prête le lymphatisme immortalisé par Arnaud Desplechin avec Trois souvenirs de ma jeunesse. Un mentor malgré lui qui va aider Fifi à mûrir, tout en trouvant quelqu’un avec qui nouer une complicité, sans se sentir obligé pour autant d’assumer son âge comme son entourage semble le lui intimer. En revenant dans le nid familial à l’insu même de ses parents, il accomplit en fait une sorte de pèlerinage symbolique dans ce sanctuaire jonché des petits cailloux intacts de son enfance qu’il transmet à son tour à sa jeune admiratrice. En circonscrivant l’amitié amoureuse de ces deux personnages dans une sorte de no man’s land symbolique, les réalisateurs pointent également du doigt la difficulté endémique qu’il y a à grandir dans un monde incertain sinon anxiogène. Fifi est une invitation au voyage intime qui s’adresse à la part d’innocence que nous avons tous conservée enfouie au plus profond de nous.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire