Accéder au contenu principal

“Dernière nuit à Milan” d’Andrea di Stefano



L’ultima notte di Amore Film italien d’Andrea di Stefano (2023), avec Pierfrancesco Favino, Linda Caridi, Antonio Gerardi, Francesco di Lava, Martin Francisco Montero Baez, Fifi Wang, Pang Bo, Shi Yang Shi, Xu Ruichi, Mao Wen… 2h05. Sortie le 7 juin 2023.



Pierfrancesco Favino



Alors que sa femme et ses amis l’attendent chez lui pour fêter son départ à la retraite, un flic milanais qui peut se targuer de jamais avoir tiré un coup de feu en trente-cinq ans de carrière se trouve mêlé malgré lui à un règlement de comptes impliquant la mafia chinoise locale. Dès lors, Franco Amore le bien nommé va être contraint de prendre ses responsabilités pour éviter de mourir en martyr et accomplir une dernière fois son devoir en gardant la tête haute. Dernière nuit à Milan est indissociable de son interprète principal, Pierfrancesco Favino, vu il y a quelques mois dans l’excellent Nostalgia de Mario Martone. Ce séducteur charismatique n’a pas son pareil pour camper les beaux ténébreux plutôt peu diserts confrontés à des événements qui les dépassent. Guidé par sa conscience professionnelle aiguë, il doit faire face cette fois à une situation sur laquelle il n’a pas prise et qui risque de se transformer malgré lui en baroud d’honneur sinon en carnage pur et simple. Lui-même acteur, Andrea di Stefano excelle à mettre en scène dans son troisième long métrage (le premier tourné en Italie !) cette épreuve de vérité nocturne transcendée par l’usage du 35 mm qui vient remettre en cause une situation que tout le monde croyait acquise. Avec ce poids du destin qui plane traditionnellement sur le film noir comme une fatalité irrémédiable et menace de faire dérailler ici le destin qui semblait écrit de cet homme tranquille.



Francesco di Lava et Pierfrancesco Favino



Le postulat de départ de Dernière nuit à Milan consiste à prendre pour personnage principal un policier ordinaire confronté pour la première fois de sa vie à une situation hors du commun qui peut le transformer en héros malgré lui au moment où il s’apprête enfin à profiter de la vie. Un flic aux antipodes de ces héros américains à la gâchette facile qui dégainent pour un oui ou pour un non. Un homme de devoir entraîné dans un engrenage qui menace de le broyer, après avoir tué son binôme, alors même qu’il peut se targuer d’avoir observé pendant toute sa carrière un comportement exemplaire, quitte à endurer parfois les railleries de ses collègues en raison d’un manque d’audace motivé autant par la haute idée qu’il se fait de son métier que par la crainte de commettre une bavure aux conséquences incalculables. Ce sont des flics pourris qui vont le contraindre à sortir du bois au moment même où son avenir semblait écrit. Pour avoir tourné ses deux premiers films aux États-Unis, Andrea di Stefano possède une solide expérience dont témoigne la séquence la plus spectaculaire : une poursuite sur l’autoroute digne de la maestria d’un Michael Mann. Il réussit à produire une alternative satisfaisante et ambitieuse à un cinéma de genre dont l’Italie semblait avoir perdu le secret depuis l’âge d’or du poliziottesco. Avec un supplément d’âme qui passe par une valeur psychologique ajoutée.

Jean-Philippe Guerand








Linda Caridi

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract