Film américain de Gina Gammell et Riley Keough (2022), avec Jojo Bapteise Whiting, LaDainian Crazy Thunder, Ashley Shelton, Iona Red Bear, Woodrow Lone Elk, Ta-Yamni Long Black Cat, Wilma Colhof, Jeremy Corbin Cottier, Sprague Hollander, Jesse Schmockel, Robert Stover… 1h54. Sortie le 10 mai 2023.
Les Indiens n’existent pas que dans les westerns. La réalisatrice sino-américaine Chloé Zhao a consacré plusieurs films à leurs descendants contemporains aujourd’hui cantonnés dans des réserves et condamnés à la délinquance et à l’alcoolisme. Caméra d’or à Cannes et couronné de deux prix majeurs à Deauville, War Pony s’attache plus particulièrement à une communauté du Dakota Sud où ont échoué des descendants de la tribu Oglala Lakota. Bill, 23 ans, et Matho, 12 ans, cherchent leur place dans un monde qui ne veut pas d’eux. Il leur faut pour cela commencer par devenir des adultes responsables et autonomes. C’est sur le tournage d’American Honey (2015) d’Andrea Arnold dont elle était l’une des jeunes interprètes que Riley Keugh, la petite fille d’Elvis Presley, a sympathisé avec deux figurants, Bill Reddy et Franklin Sioux Bob, aujourd’hui coscénaristes de War Pony avec sa coréalisatrice Gina Gammell. Une rencontre déterminante qui a scellé une solide amitié au fil de laquelle les deux hommes ont raconté aux deux femmes des histoires sur leur communauté qui ont façonné peu à peu la personnalité de leurs protagonistes. Une nouvelle vision de l’envers du fameux Rêve américain nourrie de choses vues et vécues, évoquées sans aigreur, mais avec une certaine tendresse et en tout cas une immense empathie.
Adopter le point de vue des natifs américains pour deux réalisatrices blanches, qui plus est débutantes, ne semble jamais avoir vraiment posé de problème à Gina Gammell et Riley Keough. La nation indienne contemporaine éparpillée façon puzzle est si peu représentée dans le cinéma américain que toute tentative dans ce domaine semble légitime sinon vitale pour ces parias qu’on a longtemps considérés (à juste titre) comme les seuls natifs authentiques du Nouveau Monde devenu pour eux une sorte de paradis perdu. L’inspiration profonde de War Pony émane de deux membres de cette communauté de proscrits poussés à la délinquance par un désespoir devenu à la fois héréditaire et endémique. Ce film délicat porte sur ces jeunes gens à la dérive un regard voisin de celui qui est celui des cinéastes européens lorsqu’ils braquent leurs caméras sur la banlieue, par exemple. Les lignes de fracture sont identiques et les problématiques très semblables. Sinon que dans le cas précis des Indiens, l’intégration à la communauté nationale n’est même pas une option envisageable, dans la mesure où il s’agit ouvertement de citoyens de seconde zone assignés à résidence donc exclus par principe du Melting Pot américain qui broie les individus quand il échoue à assimiler ses différentes composantes ethniques. Une situation inique mais pérenne. On retrouve dans cette tranche de vie toute en retenue une fureur de vivre poignante qui va de pair avec un usage assumé du symbolisme, à travers cette image récurrente du bison altier qui renvoie au passé de toute une nation.
Jean-Philippe Guerand
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