Film franco-japonais de Slony Slow (2022), avec Gérard Depardieu, Kyozo Nagatsuka, Pierre Richard, Sandrine Bonnaire, Bastien Bouillon, Rod Paradot, Eriko Takeda, Akira Emoto, Zinedine Soualem, Sumire, Kyôko Koizumi, Antoine Duléry, Francis Ressort, Mame Yamada, Assa Sylla, Léopold Bellanger… 1h47. Sortie le 17 mai 2023.
Gérard Depardieu et Pierre Richard
Voici un film qui possède une qualité proprement extra-cinématographique : il met en appétit. Il n’y a pourtant sans doute rien de plus difficile que de magnifier la nourriture à l’écran. Claude Chabrol qui était un gastronome renommé et un cinéphile avisé pestait ainsi contre Le festin de Babette de Gabriel Axel dans lequel son ex-épouse et muse Stéphane Audran cuisinait des cailles en sarcophage. En effet, selon lui, si le mets apparaissait aussi photogénique, sa préparation constituait en soi un affront pour n’importe quel gourmet qui aurait dégusté la volaille à la fois brûlée à l’extérieur et crue à l’intérieur. C’est là le hiatus qui sépare ces deux arts et mériterait qu’on s’y attarde sérieusement. Sans doute y reviendra-t-on à l’automne quand sortira La passion de Dodin Bouffant, évocation par le cinéaste sensuel Tran Anh Hung de la vie d’un pionnier légendaire de la gastronomie, présenté en compétition au Festival de Cannes. Rien de tel dans Umami où Gérard Depardieu incarne un personnage avec lequel il partage beaucoup de points communs et dont il a déjà campé une figure légendaire dans Vatel (2000) de Roland Joffé. Un chef installé qui ne trouve plus de satisfaction dans son métier, mais règne sur ses apprentis et sa famille avec l’espoir secret de retrouver une saveur qu’il a croisée naguère par l’intermédiaire du concurrent japonais d’un concours gastronomique. Dès lors, il va tout quitter pour partir sur les traces de ce soldat inconnu de la cuisine ignoré par la gloire.
Kyozo Nagatsuka et Gérard Depardieu
Le mot “umami” désigne en japonais le cinquième goût de base avec le sucré, le salé, l’acide et l’amer, qui en approfondit la saveur. C’est le Graal qui va rendre au personnage principal sa raison de vivre. Le premier film de Slony Slow est une sorte de conte philosophique sinon existentiel qui s’attache à la résurrection d’un homme que sa célébrité a coupé de son entourage et qui va se ressourcer au contact d’une autre civilisation et d’un homme que le destin a confiné dans un anonymat mais l’a rendu simplement heureux dans un univers harmonieux, alors qu’il l’avait naguère battu lors d’un concours gastronomique. Le message peut paraître naïf sinon grossier. Il est servi par une distribution exceptionnelle. Gérard Depardieu y retrouve sa partenaire de Sous le soleil de Satan (1987), Sandrine Bonnaire, y a pour fils Bastien. Bouillon et Rod Paradot, et y reforme avec Pierre Richard le tandem complice imaginé par Francis Veber. Avec aussi deux comédiens japonais profondément attachants, Kyozo Nagatsuka et Eriko Takeda. Il émane de cette comédie profondément humaniste un plaisir hédoniste qui reflète la personnalité authentique de ce Gérard Depardieu crédité d’un quart de millier de rôles à l’écran. La nature l’ayant désormais enrobé d’une stature rabelaisienne, il a peu à peu appris à s’en accommoder, sans sacrifier pour autant son innocence d’enfant si touchante. Il s’avère une fois de plus ici bouleversant, tant il laisse les moindres de ses fêlures intimes transparaître à travers sa puissance de colosse.
Jean-Philippe Guerand
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