Ramona Film espagnol d’Andrea Bagney (2022), avec Lourdes Hernández, Bruno Lastra, Francesco Carril, Agustin Mateo, Rocio González Cela, Rafael Ordorika, Sergio Uguet de Resayre, Javier Carrasco, Juan Fernández Lifante, Marta Romero, Claudia Teraisac, Martina Pizzoli… 1h20. Sortie le 17 mai 2023.
Lourdes Hernández
Sur un coup de tête, Ramona décide de tenter sa chance en tant que comédienne, en rêvant déjà au grand rôle qui lui permettra d’être reconnue à sa juste valeur et surtout de se mettre enfin en accord avec ses aspirations de midinette. Elle n’est pourtant pas dupe de ce miroir aux alouettes qu’ont traversé tant de proies faciles avant elle. Alors quand la veille de sa première audition, elle croise dans un bar le séduisant Bruno, elle se laisse aller aux confidences sous le coup de l’alcool sans se douter que ce charmant inconnu n’est autre que le réalisateur du film dont elle doit passer le casting. Dès lors, sa vie s’emballe et son destin s’imbrique avec celui de son personnage qui évolue fugitivement dans un monde en couleur, là où son quotidien à elle se déroule dans un noir et blanc de classique hollywoodien. Avec ce premier long métrage tourné à Madrid en pleine pandémie de Covid-19, la réalisatrice Andrea Bagney se livre à une vertigineuse mise en abyme dont la virtuosité passe par des jeux de miroirs continuels. Au point qu’on en vient à confondre l’actrice et le personnage qu’elle interprète, ce qui est aussi la posture qu’adopte Bruno quand il filme Ramona. Où s’arrête la réalité ? Où commence la fiction ? Le scénario de cette comédie sentimentale bourrée de références pour cinéphiles s’appuie sur cette confusion délibérée pour dresser le portrait d’une femme aux deux visages, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, que son personnage va révéler à elle-même et pousser à assumer ses sentiments. Quitte à faire voler en éclats sa vie de couple ronronnante…
Lourdes Hernández et Francesco Carril
Il faut saluer ici la virtuosité d’un scénario virevoltant dont le ton primesautier et l’imagination débordante ne sont pas sans évoquer La rose pourpre du Caire, la filiation avec Woody Allen étant accentuée par la place prépondérante qu’occupent les dialogues au sein de ce jeu de la séduction d’une constante élégance. Difficile de ne pas s’attarder sur la composition de son interprète principale. Connue comme chanteuse sous le nom de Russian Red (du nom de son rouge à lèvres !), Lourdes Hernández témoigne ici d’une présence hors du commun dans un rôle de pure composition où elle peut mettre son expérience de la scène au service d’un personnage féminin solidement ancré dans son époque qui nourrit cependant des préoccupations universelles, en cherchant sa juste place dans une époque dont la grande confusion ambiante tendrait à se substituer à la puissance éternelle de la passion. À partir d’un point de départ qui aurait pu être celui d’une romance purement commerciale, Andrea Bagney rompt avec le radicalisme féministe en mettant en scène une romantique d’aujourd’hui, partagée entre son désir de croire au prince charmant et de manifester ses sentiments, et ce climat de doute qui s’est installée dans les rapports de séduction à la faveur d’une confusion des genres entretenue par des activistes rarement pourvus de modération quand ils ne sont pas franchement excessifs. C’est aussi là l’une des vertus de ce joli film à tiroirs qui prend en quelque sorte le contre-pied du fameux Male Gaze, sans jamais user de la moindre agressivité. L’amour reste le plus fort.
Jean-Philippe Guerand
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