Accéder au contenu principal

“Pour l’honneur” de Philippe Guillard



Film français de Philippe Guillard (2023), avec Olivier Marchal, Olivia Bonamy, Mathieu Madénian, Solène Hébert, Philippe Duquesne, Geoffroy Thiebaut, Camille Aguilar, Tom Villa, Saabo Baldé, Sâm Mirhosseini, Nabiha Akkari, Claude Musungayi, Ariane Naziri, Sacko Camara… 1h37. Sortie le 3 mai 2023.



Mathieu Madénian et Olivier Marchal



Si les auteurs se reconnaissent à leur obsession systématique à raconter toujours les mêmes histoires et à s’entourer d’une équipe fidèle, Philippe Guillard est aujourd’hui l’un des plus dédaignés par la critique qui n’a cure de ses Feel Good Movies solidement ancrés dans un cadre provincial alternatif. L’explication en est d’ailleurs très simple. Ce réalisateur vit à l’extérieur du microcosme parisianiste et nourrit des préoccupations assez différentes de ses confrères les plus médiatisés. Une posture sincère qui lui a toutefois valu de tracer son propre sillon et de s’en voir récompensé à travers des performances  proportionnelles à la sincérité de son propos et à une conception du cinéma toujours populaire mais jamais populiste…

Le fils à Jo : plus d’1,2 million de spectateurs en janvier 2011

On voulait tout casser : 201 000 entrées en juin 2015

Papi sitter : 250 000 entrées en mars 2020

J’adore ce que vous faites : 151 000 entrées en mai 2022.



Olivia Bonamy et Saabo Baldé



Philippe Guillard revient aujourd’hui à ses premières amours, le rugby et Olivier Marchal, avec Pour l’honneur. La chronique de deux villages rivaux du Sud-Ouest pour lesquels le ballon ovale est l’enjeu chaque année d’un derby local sans merci entre le favori, Trocpont-sur-Vézère, et l’éternel outsider, Tourtour-les-Bains. Alors, quand débarquent dans le fief quelques migrants en quête d’une vie meilleure, des réflexes primaires bien peu recommandables viennent à s’exprimer, tandis que certains d’entre eux expriment leur désir de s’initier à leur tour au sport local. Un moyen comme un autre de s’intégrer dans ce terroir de l’ovalie où tous les coups ne sont pas permis. Pour l’honneur est un film pétri de bons sentiments qui a le courage d’aborder une problématique brûlante sans éviter aucun de ses aspects qui fâchent. Au-delà de son propos, l’intégration des demandeurs d’asile sur fond de réactions de rejet primaires, cette comédie de mœurs élargit son propos en allant bien au-delà de la simple stigmatisation de la xénophobie et du racisme décomplexés, sur fond de guerre des clochers.



Ariane Naziri, Solène Hébert

Olivier Marchal et Mathieu Madénian



Philippe Guillard et son coscénariste Éric Fourniols soulignent avec une certaine malice combien un pays replié sur lui-même est condamné à la décadence, en dressant un constat sans appel de l’état de délabrement avancé des services publics de la fameuse France profonde si chère aux statisticiens et aux sondeurs. Il convient de saluer ici l’habileté du scénario qui aborde son sujet à bras-le-corps, en s’appuyant sur un échantillonnage humain représentatif de toute la misère du monde dont chaque membre va trouver son usage dans une sorte de mécanique idéale. Aux virtuoses africains du ballon la transition du foot vers le rugby, au colosse le poste de pilier, etc. Avec en prime des règles parfois incompréhensibles, surtout quand il s’agit d’en traduire le sens à ces nouvelles recrues venues d’ailleurs. Ici se niche l’idéalisme résolu revendiqué par ce film qui joue la carte du spectacle populaire et s’appuie sur des interprètes parfois à contre-emploi, de Mathieu Madénian à Tom Villa et Philippe Duquesne, en passant évidemment par Olivier Marchal et Olivia Bonamy. Les bonnes intentions engendrent parfois des spectacles plus recommandables qu’on ne le prétend. Celui-ci a l’insigne avantage d’aborder une problématique brûlante sans reculer devant ses responsabilités, en montrant qu’il suffit parfois de pas grand-chose pour que les hommes de bonne volonté se serrent les coudes.

Jean-Philippe Guerand









Mathieu Madénian

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract