The Unlikely Pilgrimage of Harold Fry Film britannique de Hattie MacDonald (2023), avec Jim Broadbent, Penelope Wilton, Linda Bassett, Earl Cave, Joseph Mydell, Daniel Frogson, Naomi Wirthner, Paul Thornley, Joy Richardson, Claire Rushbrook, Ian Porter, Andrew Leung… 1h48. Sortie le 31 mai 2023.
Jim Broadbent
Un retraité du Sud de l’Angleterre reçoit un jour une lettre d’une ancienne collègue dans un état désespéré. En allant lui poster sa réponse, il prend la décision irréfléchie de se rendre à son chevet… à huit cents kilomètres de là ! Un pèlerinage pédestre en forme d’acte de rédemption qui va lui permettre de se mettre en paix avec sa conscience en exorcisant les démons d’un passé qui le hante. Ce Road Movie atypique en convoque immédiatement deux autres, américains ceux-là, par son dispositif radical : Une histoire vraie (1999) de David Lynch et Nebraska (2013) d’Alexander Payne, portés respectivement par les acteurs Richard Farnsworth (cité à l’Oscar) et Bruce Dern (prix d’interprétation masculine à Cannes). Au-delà de la tentative de rédemption de son personnage principal qui s’accommode de plus en plus mal de sa mauvaise conscience, Hattie MacDonald met à profit la randonnée à travers l’Angleterre de ce père intranquille pour dresser un état des lieux d’un pays que le Brexit a éloigné de l’Europe et qui affronte aujourd’hui une sévère crise économique. Le constat s’avère sans appel, même si la cinéaste emprunte une voie délibérément alternative de celles chères à ses grands aînés Ken Loach et Mike Leigh. Avec au terme de ce défi irrationnel le travail sur lui-même de ce retraité désireux de se racheter et de renouer le dialogue avec son épouse rompu depuis des années, sous l’effet d’un sentiment de culpabilité partagé qui a rongé leur couple sous le poids du silence et des non-dits.
Jim Broadbent et Naomi Wirthner
L’improbable voyage d’Harold Fry repose pour une bonne part sur la personnalité de l’interprète de son rôle-titre, Jim Broadbent, couronné de l’Oscar du meilleur second rôle en 2002 pour le biopic Iris de Richard Eyre. Longtemps cantonné dans des emplois subalternes et des faire-valoir ingrats, ce septuagénaire populaire a amorcé un tournant déterminant ces dernières années en s’imposant comme tête d’affiche dans des films tels que La dame de fer (2011) de Phyllida Lloyd, Un week-end à Paris (2013) et The Duke (2020) de Roger Michell. Il est ici omniprésent et attire à lui des citoyens ordinaires qu’il croise au fil de son périple. Au point de transformer ce chemin de croix personnel et intime en une véritable croisade populaire qui coagule de simples citoyens abandonnés ou méprisés par les institutions. La réalisatrice assume son parti-pris jusqu’à son terme, sans jamais dévier de son propos et en s’en remettant à la personnalité de son interprète principal qui démontre une nouvelle fois sa formidable puissance d’empathie avec davantage de gestes et de regards que de mots. Il ne faut surtout pas négliger la portée de ce message optimiste qui endosse avec succès les atours du Feelgood Movie et remplit pleinement son objectif : faire du bien sans mièvrerie ni racolage. Bref, une réussite.
Jean-Philippe Guerand
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