Film français de Chad Chenouga (2023), avec Roschdy Zem, Yolande Moreau, Marina Hands, Hedi Bouchenafa, Yannick Choirat, Jibril Bhira… 1h22. Sortie le 10 mai 2023.
Roschdy Zem
Toujours droit dans ses bottes, Sabri est un fonctionnaire exemplaire de l’Éducation Nationale qui cultive une sorte d’idéal un peu désuet. Il accepte toutefois l’échec de sa vie conjugale, son ex étant enseignante d’anglais dans le collège de quartier où il officie comme principal adjoint. Alors il concentre tous ses espoirs sur leur fils unique qui est plutôt bon élève. Jusqu’au jour où le papa poule commet l’irréparable… Au risque de se perdre et de ruiner des années d’efforts pour renvoyer une image d’exemplarité à la merci d’un moment d’égarement… L’intrigue du Principal n’est pas sans évoquer celle du film du cinéaste roumain Cristian Mungiu Baccalauréat (2016). Comme pour mieux souligner que certains réflexes peuvent s’avérer universels, tant ils répondent à des motivations partagées et à des réflexes primaires. Il fallait l’autorité et l’élégance naturelles de Roschdy Zem pour donner une âme à ce personnage égaré qui se fait une idée si haute de son métier qu’il est prêt à tout sacrifier pour que son enfant réussisse, sans vraiment mesurer l’ampleur des risques qu’il encourt. À travers ce personnage psycho-rigide, Chad Chenouga tire aussi à boulets rouges sur un système éducatif qui en est venu peu à peu à ressembler à s’y méprendre à une réplique en modèle réduit de la société par sa compétitivité effrénée, quitte à reléguer l’enseignement proprement dit à un stade accessoire. Rien ne sert d’apprendre et de s’instruire si ce n’est pas pour décrocher les meilleures notes. Dès lors, tous les moyens sont bons, y compris les moins recommandables.
Roschdy Zem et Hedi Bouchenafa
Le film de Chad Chenouga se présente comme une plongée en immersion dans les arcanes du système éducatif français, vu à travers quatre personnages qui sont liés par le scénario : la principale à l’ancienne que campe Yolande Moreau, héritière d’une tradition d’excellence que les restrictions économiques ont réduit à une peau de chagrin et à une marge de manœuvre extrêmement étroite ; son adjoint qui refuse de voir le système se recroqueviller sur lui-même ; son ex-épouse incarnée par Marina Hands qui est prof et se bat pour transmettre le savoir dans un environnement hostile ; leur fils qui porte tous leurs espoirs de parents au sein d’un système qu’ils connaissent mieux que personne. Signe des temps, le cinéma français produit aujourd’hui à jet continu des films consacrés à deux secteurs en crise qui reflètent mieux que tous les autres le malaise profond de notre société : la santé et l’éducation. Contrairement à des comédies récentes telles que La cour des miracles, L’école pour tous, Les têtes givrées, Les petites victoires ou un documentaire comme La générale, Le principal ne se complaît ni dans l’utopie ni dans l’euphorie, mais dresse un état des lieux assez accablant d’un système qui semble avoir perdu tous ses repères et fonctionne désormais comme une course éperdue à l’excellence, avec en ligne de mire la réussite sociale. Comme si une vie toute entière devait se décider derrière un pupitre d’école.
Jean-Philippe Guerand
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