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“Bardot” de Danièle et Christopher Thompson



Série française de Danièle et Christopher Thompson (2023), avec Julia de Nunez, Hippolyte Girardot, Géraldine Pailhas, Yvan Attal, Anne Le Ny, Victor Belmondo, Oscar Lesage, Noham Edje, Jules Benchetrit, Fabian Wolfrom, Mikaël Mittelstadt, Louis-Do de Lencquesaing, Laurent Stocker… 6 épisodes de 52 mn. Diffusion sur France 2 à partir du 8 mai 2023.



Anne Le Ny et Julia de Nunez



En retrait du cinéma depuis tout juste un demi-siècle, Brigitte Bardot a connu un destin hors du commun en devenant la première star féminine française célèbre dans le monde entier. Le début de sa carrière est aujourd’hui une série télévisée elle-même promise à un rayonnement international, grâce à l’association de Danièle Thompson et de son fils Christopher qui signent à quatre mains ce biopic appelé à connaître d’autres saisons. Tout commence par la rencontre d’une fille de bourgeois ambitieuse avec un cosccénariste zélé d’Yves Allégret qui l’épouse pour mieux l’imposer en vedette de son premier film, Et Dieu… créa la femme, et va jusqu’à accepter qu’elle le trompe avec son partenaire. Une héroïne qui affiche l’audace provocatrice de sa jeune interprète, Brigitte Bardot, séductrice au cœur d’artichaut qui passe des bras de Roger Vadim à ceux de Jean-Louis Trintignant, appelé en Algérie dont elle demande le rapatriement au ministre de l’Intérieur François Mitterrand, avant de séduire les chanteurs à la mode Gilbert Bécaud et Sacha Distel, puis d’épouser Jacques Charrier qui lui sacrifiera le rôle principal de Plein soleil et une carrière prometteuse, mais lui donnera un fils assailli par les flashes des paparazzi. Cette première saison constitue une lecture passionnante d’un destin atypique, en montrant à quel point l’ambition de son héroïne si libre va la couper du monde et transformer un conte de fées moderne en prison sans barreaux.



Victor Belmondo, Julia de Nunez et César Chouraqui



Le scénario des Thompson mère et fils décrypte avec un soin méticuleux l’itinéraire d’une enfant gâtée au chevet de laquelle vont se pencher des personnalités elles-mêmes hors du commun, qu’il s’agisse des producteurs Christine Gouze-Rénal et Raoul Lévy, de son agent Olga Horstig, ou du couple puissant formé par les patrons de presse Hélène et Pierre Lazareff. Des personnages influents du tout-Paris eux-mêmes dépassés par la créature qu’ils ont contribué à accompagner vers la gloire. Et aussi des proches et des intimes qui la trahiront parfois pour quelques liasses de billets et un instant d’éternité. La réussite de cette série réside dans la qualité de son écriture et de son interprétation. Avec la révélation de Julia de Nunez qui incarne BB sans minauder mais avec un mimétisme parfois troublant, entourée de comédiens qui ne ressemblent pas nécessairement à ceux qu’ils incarnent, qu’il s’agisse de Noham Edje en Jean-Louis Trintignant, César Chouraqui en Christian Marquand ou de Jules Benchetrit en Sami Frey, mais en expriment l’état d’esprit en un regard, un geste ou une réplique. L’’essentiel est ailleurs. Dans la composition d’Anne Le Ny en Olga Horstig, Laure Marsac en Christine Gouze-Rénal, Victor Belmondo en Roger Vadim, Yvan Attal en Raoul Lévy, Laurent Stocker en Pierre Lazareff et Louis-Do de Lencquesaing en Henri-Georges Clouzot flanqué de son indispensable Vera.



Mikaël Mittelstadt et Julia de Nunez



Bardot réussit la prouesse de raconter cette irrésistible ascension vers la gloire comme une descente aux enfers en reconstituant avec soin une époque qui fut aussi celle au cours de laquelle le père de Danièle Thompson et grand-père de Christopher, Gérard Oury, passa du statut de comédien à celui de scénariste, en contribuant à deux des plus grands succès populaire de la comédienne, Babette s’en va-t-en guerre et Voulez-vous danser avec moi ? L’occasion pour ses héritiers de lui rendre un hommage élégant. À l’image du papillon de nuit brûlant ses ailes au contact de l’ampoule électrique dont la lumière l’a attirée, l’actrice paie cash le prix de ses audaces. Ce que résume une séquence magistrale où elle est agressée par une inconnue dans un ascenseur qui constitue une allusion prémonitoire à la fin de Vie privée de Louis Malle dans lequel elle incarnera plus tard une actrice dont la gloire devient la prison. De la Madrague de Saint-Tropez aux interviews vérité de François Chalais (reconstituées à l'identique, avec le journaliste en voix off), Danièle et Christopher Thompson réussissent la prouesse d’évoquer les diverses facettes de Brigitte Bardot, en soulignant la modernité de cette ambitieuse devenue l’otage de sa gloire au moment même où la Nouvelle Vague prônait un retour au naturel. Mais ça, on le découvrira sans doute dans la deuxième saison, à travers sa rencontre mythique avec Jean-Luc Godard sur Le mépris. En espérant que le grand public soit au rendez-vous de ce biopic foisonnant, mais dépourvu de toute complaisance.

Jean-Philippe Guerand







Julia de Nunez

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