Film français de Cécile Telerman (2023), avec Zabou Breitman, Pascal Elbé, Mélanie Bernier, Samuel Le Bihan, Marie-Josée Croze, Pascal Demolon, Camille Lellouche, Mathias Mlekuz… 1h43. Sortie le 26 avril 2023.
Marie-Josée Croze, Pascal Demolon et Camille Lellouche
Quelques amis, dont certains se sont perdus de vue depuis quelque temps et ont parfois changé de partenaire sentimental voire de mode de vie, se retrouvent le temps d’un week-end à la campagne. Survient un incident anodin dont les conséquences vont s’avérer d’une ampleur inattendue et contraindre les “amis de toujours” à se livrer spontanément à une sorte de jeu de la vérité approximatif aux conséquences imprévisibles et exponentielles. On connaît depuis Tout pour plaire (2005) l’habileté de Cécile Telerman lorsqu’il s’agit de tisser des relations humaines sur le registre aujourd’hui un peu passé de mode du film choral. Elle s’y emploie une fois de plus dans Ma langue au chat avec la complicité d’une distribution dorée sur tronches. Ce qui commence sous l’apparence d’une comédie de mœurs plutôt conviviale tourne au vinaigre lorsque le chat de la maison vient à disparaître, réveillant les névroses de sa maîtresse qui a reporté l’usure de son couple sur l’animal qu’un des invités est persuadé d’avoir écrasé accidentellement à l’insu du regard des autres. Mais, un peu comme dans une intrigue policière traditionnelle, le cadavre du félin reste introuvable, le présumé coupable ayant effacé toutes les traces de son crime. On se trouve plongé ici dans une sorte de no man’s land entre Qui a tué le chat ? (1977) de Luigi Comencini et Chacun cherche son chat (1996) de Cédric Klapisch. Du coup, l’ombre du matou plane sur la maisonnée et ne fait qu’attiser la tension entre ses maîtres et des invités dont certains ne sont pas vraiment les bienvenus. Cherchez l’intrus !
Mathias Mlekuz et Pascal Elbé
Ma langue au chat brode autour du thème classique qui consiste à réunir artificiellement des individus qui ont naguère entretenu des rapports fusionnels avant de s’égayer dans des directions différentes et de se retrouver sans avoir plus grand-chose à exprimer que leur rancœur et leur rancune recuites, reflets pathétiques d’une aigreur nourrie de grandes désillusions. Ici intervient le talent des acteurs réunis autour des maîtres de maison qu’incarnent Zabou Breitman et Pascal Elbé qui avait crevé l’écran en banquier dans le premier film de Cécile Telerman. La réalisatrice ne se montre pourtant cette fois guère plus charitable avec ses personnages féminins qu’avec leurs homologues masculins. Il se dégage de ce portrait de groupe une indicible amertume qui s’inscrit dans la continuité logique de ses trois films précédents et notamment de son adaptation du roman de Katherine Pancol Les yeux jaunes des crocodiles. D’où aussi l’épaisseur humaine parfois poignante de ces protagonistes qui se considèrent les uns les autres sans grande bienveillance et apparaissent à la lumière de leurs retrouvailles comme cabossés par la vie mais peu disposés à réfléchir sur eux-mêmes. Telle est la morale de ce film un rien désabusé où le rire s’étouffe dans la gorge et où l’émotion éclot parfois au détour d’une conversation rien moins qu’anodine. Un propos d’autant plus universel que chacun y reconnaîtra un voisin ou un proche, alors que tout le monde devrait avoir la franchise et le courage de s’identifier à l’un ou l’autre de ces spécimens d’humanité bien peu reluisants, mais dissimulés derrière des faux-semblants parfois puérils et souvent pathétiques.
Jean-Philippe Guerand
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