Film franco-belge de Victoria Bedos (2023), avec Brune Moulin, Philippe Katerine, Pierre Richard, Loup Pinard, Firmine Richard, Guy Marchand, Olivier Saladin, Patrick Paroux, Olivier Barthelemy, Alice Belaïdi, Samy Belkessa, Iris Guillemin… 1h32. Sortie le 19 avril 2023.
Pierre Richard et Brune Moulin
La comédie constitue souvent l’instrument de mesure le plus fiable pour prendre le pouls d’une époque, comme l’attestent rétrospectivement des classiques tels que La boum (1980), Trois hommes et un couffin (1985) ou La famille Bélier (2014). C’est aujourd’hui la scénariste du film d’Éric Lartigau qui passe à la réalisation en passant notre époque au crible de son humour et de sa bienveillance. Elle choisit pour cela une adolescente qui vit avec son père dans la maison de retraite dont il est le directeur et dont les pensionnaires lui prodiguent des conseils avisés venus d’une autre époque. Alors, le jour où Marie-Luce se rend incognito à la soirée déguisée qu’organise une fille de son collège, elle décide de s’habiller en garçon avec les conséquences que cela va impliquer de la part de ses camarades qui ne l’ont pas reconnue, à commencer par le séducteur de sa classe qui fait fantasmer toutes ses camarades et voit en cet inconnu un nouveau copain en puissance… Point de départ classique pour une comédie qui joue sur les codes générationnels et le mélange des genres avec une légèreté savoureuse, tout en s’ancrant solidement dans notre époque de grande confusion. Fille de Guy Bedos et petite sœur de Nicolas Bedos, la réalisatrice partage avec les hommes de sa tribu le sens de la réplique qui fait mouche et une capacité particulière à appréhender l’air du temps à travers des dialogues enlevés, quitte à devoir démêler des situations inextricables sans se dérober devant l’obstacle. En choisissant une adolescente élevée parmi des adultes particulièrement âgés, elle démontre brillamment que certains grands sentiments demeurent universels et que l’amour n’est qu’un éternel recommencement qui n’a cure des bouleversements sociologiques.
Loup Pinard et Brune Moulin
Victoria Bedos possède un sens du tempo à toute épreuve qu’elle met ici au service d’une intrigue somme toute classique, quitte à en faire bouger certaines lignes pour mieux l’ancrer dans notre époque, sans chercher pour autant à être à la mode. Son héroïne est une adolescente plutôt réservée qui vit avec un père aimant mais un peu dépassé (Philippe Katrine) et se réfugie auprès de ses pensionnaires afin de solliciter leurs bons conseils, parmi lesquels Pierre Richard en Cupidon complice. Car si le temps a changé et si les mœurs ont évolué, le cœur a toujours ses raisons que la raison ne connaît pas. Avec cet artifice du travestissement qui a souvent fait ses preuves, que ce soit comme ressort théâtral chez Molière ou Marivaux ou comme élément moteur dans des classiques tels que Certains l’aiment chaud (1959) de Billy Wilder ou la version de Victor/Victoria (1982) réalisée par Blake Edwards, des références écrasantes mais assumées par la réalisatrice en pleine connaissance de cause. Restait à trouver une interprète capable d’être aussi crédible en fille qu’en garçon, tout en passant par une large gamme de sentiments et de sensations. Et là, Victoria Bedos a déniché la perle rare en la personne de Brune Moulin, une débutante dont l’abattage mêlé de discrétion évoque autant Sophie Marceau que Sandrine Bonnaire et lui a valu un prix d’interprétation féminine flatteur au festival du film de comédie de l’Alpe d’Huez, face à des concurrentes ô combien plus chevronnées. La plus belle pour aller danser est une comédie sentimentale virevoltante aux ressorts éprouvés qui s’inscrit dans notre époque en abordant des enjeux fondamentaux rarement traités avec une telle légèreté et autant de naturel. De quoi donner du grain à moudre aux sociologues et combler le fossé qui sépare parfois les générations, faute de dialoguer.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire