Accéder au contenu principal

“La dernière reine” de Damien Ounouri et Adila Bendimerad



El Akhira Film algéro-français de Damien Ounouri et Adila Bendimerad (2022), avec Adila Bendimerad, Dimitri Boetto, Dali Benssalah, Nadia Tereszkiewicz, Mohamed Tahar Zaoui, Imen Nouel, Fethi Nouri… 1h53. Sortie le 19 avril 2023.



Adila Bendimerad



Qu’il en reste donc de belles histoires à raconter ! Celle de La dernière reine s’apparente à la fois à un conte des mille et une nuits et à la fresque consacrée à Saladin par le cinéaste égyptien Youssef Chahine. Elle se déroule en 1516 à Alger où le pirate Barberousse chasse les envahisseurs espagnols et s’empare du pouvoir. Mais une reine du nom de Zaphira lui résiste… Cette histoire dont les historiens n’ont pas réussi à trancher si elle était authentique ou avait été fantasmée, la comédienne Adila Bendimerad a décidé de la raconter et d’en tenir le rôle principal, avec à ses côtés pour la mettre en scène Damien Ounouri dont elle avait déjà interprété le moyen métrage Kindil El Bahr (2016). Dans le contexte actuel, comme le conseillait John Ford dans L’homme qui tua Liberty Valance, quand la légende est plus belle que la réalité, il faut imprimer la légende ». Il se trouve que transparaît à travers ce personnage de femme volontaire bien déterminée à préserver son pays de la barbarie une figure de proue dont la modernité va de pair avec la lumière qu’elle oppose à la puissance des ténèbres. Cette souveraine raffinée s’impose comme une alternative cinématographique séduisante à ces monarques de pacotille décérébrés qui prolifèrent au sein du cinéma hollywoodien de super-héros. Ce film ouvre en outre de nouvelles perspectives à un cinéma algérien qui n’a que bien peu exploité le passé flamboyant de sa civilisation, en laissant trop souvent à d’autres le soin d’évoquer son passé laissé en friche, sans que Mohammed Lakhdar-Hamina, Palme d’or 1975 pour Chronique des années de braise, ne suscite véritablement de vocations durables dans cette voie… royale.



Fethi Nouri



Si comme l’affirment volontiers les spécialistes, l’histoire est racontée systématiquement par les vainqueurs, ce film en constitue une alternative séduisante qui cadre parfaitement avec les préoccupations progressistes de notre époque en matière de mœurs et de parité. Certains croiront opportun de discerner dans cette fresque spectaculaire une œuvre militante voire anachronique par la modernité de son propos. Elle a en tout cas le mérite de proposer une vision assez crédible du combat éternel qui oppose depuis des lustres les forces des ténèbres à des poussées progressistes qui ont chassé peu à peu la barbarie à visage humain. Il convient de s’attarder ici sur la représentation que donne la sublime Adila Bendimerad de cette dernière reine dont l’éclat brille comme une étincelle dans l’obscurité et qui oppose à la force des envahisseurs (dont le fier corsaire campé par Dali Benssalah, vu récemment dans Je verrai toujours vos visages) l’éclat de son intelligence. Le féminisme du propos s’exprime à travers cette caractérisation affirmée des protagonistes qui passe aussi par cette figure d’esclave scandinave affranchie incarnée brièvement par la toujours déroutante Nadia Tereszkiewicz. Avec ce leitmotiv passionnant qui consiste à présenter les principaux personnages féminins comme isolés et ce corollaire induit selon lequel c’est de leur union que pourrait naître leur libération. C’est précisément là que se situe le point de rencontre de cette épopée de bruit et de fureur avec des revendications très actuelles qui s’expriment ici à pas feutrés. Comme une invitation à combattre la barbarie par l’intelligence et la raison. Message bien reçu !

Jean-Philippe Guerand








Nadia Tereszkiewicz et Adila Bendimerad

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract