Film allemand de Leonie Krippendorff (2020), avec Lena Urzendowsky, Jella Haase, Lena Klenke, Elina Vildanova, Anja Schneider, Hussein Eliraqui, Denise Ankel, Bill Becker, Banafshe Hourmazdi, Robert Kuchenbuch, Kim Riedle… 1h35. Sortie le 5 avril 2023.
Lena Klenke et Lena Urzendowsky
Le temps d’un été caniculaire dans un quartier populaire de Berlin, Nora, 14 ans, traverse bille en tête cette période dite de l’âge ingrat, en s’efforçant de colmater les brèches d’une vie familiale bancale au sein de laquelle sa sœur aînée en est arrivée à compenser les absences de leur mère et à veiller sur sa cadette. Soucieuse de s’intégrer parmi ses aînés, l’adolescente tente de trouver de nouveaux repères sur le plan affectif, comme pour grandir plus vite en mentant sur son âge. Difficile de demeurer insensible à cette chronique solaire qui saisit avec une rare justesse les tourments d’une génération livrée à elle-même et montée trop vite en graine dans un monde qui semble courir à sa perte sans s’en inquiéter. Au sein d’un cinéma allemand qui avance désormais en ordre dispersé, la réalisatrice Leonie Krippendorff impose une petite musique entêtante qui passe par un sens de l’observation aigu et une attention particulière portée à des gamines qui vivent le mobile à la main, quitte à se retrouver pour rompre avec la distanciation induite par les réseaux sociaux et goûter à l’ivresse des premiers émois. Amitiés pour la vie et amours passagères. C’est l’expérience faste et douloureuse que va connaître Nora en croisant le destin d’une fille plus âgée qu’elle, tornade blonde dont on pressent qu’elle marquera son existence toute entière, là où elle n’en a constitué qu’une parenthèse amoureuse parmi tant d’autres. Kokon est la chronique d'apprentissage tendre et cruelle d’une période où l’anodin apparaît souvent comme essentiel dans la confusion des sentiments.
Lena Urzendowsky, Jella Haase et Lena Klenke
À l’image des chenilles qu’élève Nora jusqu’au moment où elles deviendront des papillons, métaphore charmante, mais un peu trop appuyée, la jeune fille profite de l’insouciance de cet été-là pour sortir de son cocon, avec l’envie de grandir plus vite afin d’échapper à son existence dénuée de fantaisie dans le quartier populaire de Kreutzberg. Au point qu’elle vit sa passion pour une fille plus âgée qu’elle comme un acte d’affranchissement, sans que son homosexualité constitue à ses yeux une option intangible, même si elle participe à la Gay Pride. À vrai dire, cette problématique, pas davantage que celle du genre, n’en est même plus une pour cette génération qui a déjà quelques longueurs d’avance sur celles qui l’ont précédée et ne raisonne qu’en termes d’envie et de désir dans un monde affranchi de ces clivages d’un autre âge. L’amour n’a pas davantage de sexe déterminé que ces jeunes n’ont de perception claire du monde qui les attend. C’est même cette peur du vide sinon de l’inconnu qui les incite à vivre vite, mais c’est aussi là le privilège de cet âge que cerne avec tant de justesse Leonie Krippendorff, pourtant de vingt ans plus âgée que son héroïne dont elle traduit avec une telle justesse les tourments et les joies. Dès lors, on brûle d’impatience de découvrir ses deux autres longs métrages : Looping (2016) et Peeled Skin (2023), primé lors de la dernière Berlinale. En espérant que Kokon rencontre son public, car sa fraîcheur et son authenticité le méritent autant que la personnalité de ses jeunes interprètes.
Jean-Philippe Guerand
Lena Klenke et Lena Urzendowsky
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