Film portugo-français de Cristèle Alves Meira (2022), avec Lua Michel, Ana Padrão, Jacqueline Corado, Ester Catalão, Duarte Pina, Arthur Brigas, Catherine Salée, Martha Quina, Sónia Martins, Amadeu Alves… 1h28. Sortie le 12 avril 2023.
Lua Michel et Jacqueline Corado (au centre)
C’est une histoire moins simple qu’il ne pourrait y paraître de prime abord. Le monde des adultes observé à travers les yeux d’une gamine de 9 ans. Salomé est née en France et accomplit chaque été en compagnie de ses parents une transhumance jusqu’au village de leurs origines, dans la région montagneuse de Tras-os-Montes, au Portugal où vivent plusieurs membres de sa famille dont sa grand-mère adorée avec qui elle a noué des relations qui n’appartiennent qu’à elles. Jusqu’au moment où la disparition brutale de cette dernière rompt ce charme estival miraculeux et met en évidence de vieilles rancœurs mal recuites. Tandis que les adultes se disputent l’héritage de la défunte jusqu’à l’indécence, en laissant éclater des réactions épidermiques peu glorieuses, la petite fille découvre qu’elle a hérité de son aïeule un don magique qui lui permet d’entrer en contact avec des forces occultes. Situé dans un lieu coupé du monde moderne sur lequel le temps semble s’être arrêté miraculeusement, Alma Viva entretient avec la superstition et la sorcellerie un rapport qui rappelle celui évoqué dans un autre film sorti récemment, Les cinq diables de Léa Mysius, dans un contexte pourtant aux antipodes, au propre comme au figuré, aussi bien géographiquement que sur le plan mystique. Cristèle Alves Meira y questionne ses origines, en décrivant une communauté repliée sur elle-même qui perpétue des comportements qu’on croirait échappés d’un roman de Balzac.
Lua Michel
En adoptant le point de vue de la pureté, Alma Viva questionne la nature humaine dans ce qu’elle manifeste de moins glorieux. Avec un second niveau de lecture qui correspond au regard de la diaspora émigrée sur ces autochtones qu’ils considèrent parfois avec l’arrogance de ces enfants prodigues de retour sur leur terre natale en arborant parfois la suffisance des parvenus. Vu à travers un regard d’enfant, le comportement de ces adultes méprisables est surtout perçu comme un manque affectif. La réalisatrice a hésité à mettre ainsi en évidence des pratiques secrètes et des tabous indissociables de la clandestinité dans laquelle ils se perpétuent. Comme si le charme risquait de se rompre… La puissance d’évocation de cette chronique réside pourtant dans ce pont qu’elle jette entre ce village immuable et le reste du monde, sans qu’on puisse toujours distinguer précisément où s’arrête la réalité et où commence l’irrationnel. Ce film est en cela une chronique initiatique qui nous entraîne dans un univers à la fois merveilleux et terrifiant, selon l’usage qu’on en fait. Avec une vision des fantômes qui évoque celle distillée dans les œuvres d’Henry James par son ancrage délibéré dans un cadre quotidien sinon terrien, même s’il s’avère intemporel. Avec en contrepoint ce naturalisme parfois sordide qu’incarne les villageois par leur comportement mesquin, notamment lorsqu’il s’agit de choisir un cercueil pour la disparue. Ainsi va le monde, que ce soit vers son salut ou à sa perte…
Jean-Philippe Guerand
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