Film d’animation espagnol de Chelo Loureiro (2021), avec (voix) Laetitia Casta, Jeanne Métivier, Sarah Vergès, Eric Mie, Françoise Markun, Louis Collet, Audrey di Nardo, Laurence Lecler… 1h05. Sortie le 22 mars 2023.
Voici un film d’animation qui a tous les culots et les assume en sortant du cadre traditionnel du cinéma pour enfants dont il subvertit allègrement les codes avec une rare intelligence. D’emblée, la petite Valentina envahit l’écran avec l’enthousiasme inhérent à son âge et nous explique qu’elle est atteinte de… trisomie 21. Une affection que cette gamine à lunettes et à couettes a visiblement appris à assumer et dont elle préfère sourire que s’apitoyer. Au point de laisser s’exprimer son imagination délirante et de se rêver en héroïne de comédie musicale, menant ses jouets à la baguette et réglant d’improbables ballets dans le cadre de sa chambre à coucher. Valentina progresse sur la corde raide d’un sujet tabou en assumant ses propos et en l’assortissant d’une audace qui force le respect. Au point de demander à une trisomique de prêter sa voix au personnage principal, dans la version originale espagnole comme dans son doublage en français. Un parti pris qui assure un supplément d’âme à ce film jamais mièvre dont l’infinie délicatesse se met au service d’une authentique invitation au rêve.
Valentina a le bon goût de traiter sa jeune héroïne le plus naturellement possible et de montrer que son handicap n’est en aucun cas un obstacle à son insouciance. Son imaginaire foisonnant lui permet d’évoluer dans un univers qui apparaît systématiquement plus beau que son quotidien et renvoie à l’un des plus grands classiques du cinéma pour enfants, hollywoodien celui-là, Le magicien d’Oz (1939) de Victor Fleming où Dorothy quitte son univers en noir et blanc et s’aventure sur la fameuse route de briques jaunes afin d’aller à la rencontre de personnages qui apparaissent comme les projections fantasmées de certains de ceux qui composent son entourage. Chelo Loureiro pousse ce concept un peu plus loin, en nourrissant son inspiration d’une autre idée qu’affectionne le cinéma : celle des jouets subitement doués de raison… ou de déraison qui a inspiré des classiques hollywoodiens aussi divers que Pinocchio à Toy Story. Difficile de résister au charme universel de ce film solidement ancré dans la réalité qui sublime le réalisme par une fantaisie inventive où les numéros musicaux occupent une place de choix. Non seulement le propos de Valentina est universel, mais il emprunte des voies cinématographiques délibérément joyeuses et a le bon goût de ne jamais bouder son plaisir. Il serait dommage de se priver d’une telle merveille.
Jean-Philippe Guerand
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